RÉSISTANTS, JUSTES PARMI
LES NATIONS ET DÉPORTÉS
FONTAINEBLEAU-AVON 1939-1945
De l'importance de la pensée
religieuse dans la résistance chrétienne
Sh. Saskia Cohen Tanugi pour H.U.J.I. The Hebrew University of Jerusalem
1. Problématique
A partir
d'une étude argumentée, nous proposons de compléter les travaux entrepris par
les prédécesseurs, en nous concentrant sur l’action des résistants au régime
collaborateur et à l’occupation nazie dans la région de Seine-et-Marne et plus
particulièrement dans la ville de Fontainebleau-Avon. Notre recherche se
concentre sur un sujet qui mérite une grande attention car la population de la
Ville d’Avon, représentée par son maire Remy Dumoncel, dévoile une action
organisée et résistante hors pair, qui fut honorée par Yad Vashem. La ville
comptant plusieurs Justes parmi les Nations, reconnus par les autorités
israéliennes compétentes, pour les actions courageuses en faveur de la
population juive de la région et en faveur de la résistance.
Les premières études générales consacrées à ce sujet sont, sans
conteste, celles de Serge et Béate Klarsfeld. Elles furent suivies, pour les
recherches les plus récentes, par les dossiers publiés dans la revue «
Fontainebleau, la revue d’histoire de la ville et de sa région », notamment par
les articles rédigés par Geneviève Bauchard « Le journal de l’exode de Jules
Lanoë »[1]. Alexis Neviaski, dans son article
intitulé « Un couvent et des religieux en guerre, le couvent des Carmes d’Avon
(1939-1945) »[2] expose les actes du père Jacques,
directeur du Petit-Collège d’Avon, et des prêtres du couvent qui cachèrent
plusieurs enfants juifs, employèrent comme professeurs des instituteurs soumis
au port de l’étoile jaune et prodiguèrent leur soutien aux réfractaires du
S.T.O. Les actes de résistance de ce couvent des Carmes ont été rapportés par
l’entreprise cinématographique française dans un film signé de Louis Malle,
ancien élève au Petit-Collège d’Avon, témoin de l’entrée de la Gestapo dans le
corps du bâtiment à la recherche des enfants cachés conduits en déportation par
les forces nazies. Cet article est complété par la recherche de Maryvonne
Braunschweig, décrivant la ville d’Avon au temps de la persécution[3]. La libération de
Fontainebleau-Avon est analysée par Jean-Claude Polton, Docteur en histoire, secrétaire général des Amis de la Forêt de Fontainebleau[.4]Ainsi, en 2014, 20 pages d’une
revue d’histoire sont entièrement réservées aux persécutions nazies, aux
nombreux Justes parmi les Nations de la Ville d’Avon et aux mouvements de la
résistance de la région Fontainebleau-Avon.
L’ancienneté et la loyauté de la présence Juive dans cette région est
exposée par Frédéric Viey dans un article intitulé « Des soldats Juifs à
Fontainebleau durant la Grande Guerre »[5]. Cet auteur publie par ailleurs
différentes recherches sur la population juive de la région depuis 1991[6][7][8] : Fontainebleau-Avon, Journal d’une communauté juive de la révolution à
nos jours, suivie par Histoire des
Juifs en Seine-et-Marne en 2005, puis par Le livre mémorial des Juifs de Seine et Marne, durant la seconde Guerre
Mondiale 1940-1945 en
2008.
Fréderic Viey est également l’auteur d’un article sur le sujet « Les héros
d’Avon », publié sur le site web de Judaïques
Culture, le 28 Avril 2013. Son
article vient compléter celui de B. Pamart, « Ils ont fait l’honneur d’Avon,
Rémy Dumoncel», paru dans le Bulletin
Municipal, 42, en octobre 2007.
Les Archives de la Ville de Fontainebleau conservent différents ouvrages
sur le sujet, comme celui du père Philippe, Carme Déchaux, Un martyr des camps, le père Jacques 1900-
1945, Paris, Tallandier, 1949. Ce livre, écris par
un témoin direct, n’est plus édité. Par contre, il est possible de trouver le
document signé de Jacques Chegaray, Un
carme Héroïque, la vie du père Jacques, Paris, nouvelle cité, 1988, et de
consulter celui de Christiane Meres, Petite
vie du père Jacques, éditions Desclée de Brouwer, 2005. Il est à noter que
les professeurs d’histoire et de littérature de la région ont conduit les
écoliers de différentes classes à réfléchir sur ce dossier de la résistance
régionale et sur les tentatives de sauvetages d’enfants juifs de leur âge par
les prêtres d’Avon. Les résultats de ces recherches ont été publiés par les
élèves, dans un document centré sur le film de Louis Malle et intitulé Les déportés d’Avon, enquête autour du film
de Louis Malle, Au revoir les enfants, carnet de fouille 60, Foyer des
élèves du
Collège
d’Avon, 1988.
Un film réalisé par Michel Fresnel et Annie-Claude Elkaim,
intitulé « Les enfants du père Jacques », présente différents
témoignages : ceux de Mme Tourtebatte, sœur de Hans-Helmut Michel, caché
par les prêtres d’Avon, dénoncé et mort en déportation. Ce témoignage est
complété par celui du père Carme Victor Sion, par ceux des anciens élèves du
Petit-Collège d’Avon, François-Xavier de Sieyes et Guy de Vogüe, par celui du
chef de la résistance, Albert Ouzoulias et de l’ancien économe Jacques Mathieu.
De nombreux autres témoins, la résidante d’Avon, madame Simone Jourdain ; les
rescapés du convoi 67, Monsieur Raphaël Esrail et madame Claudine Hess ; les rescapés
du camp de Güsen, messieurs Louis Deblé, Jean Gavard, et Henri Boussel viennent
compléter les informations sur l’évènement. Ce document est enrichi par des
documents d’époque tournés à Avon en 8 mm par Jean Taisne.
La bibliothèque de l’ancien Petit-Collège d’Avon présente également
différents ouvrages sur les actes des Justes parmi les Nations au sein des
Carmes, à la période de la seconde Guerre mondiale, comme le document de Frère Philippe Hugelé, Par la croix vers la lumière, le père Jacques de Jésus (1900-1945)
textes des journées de rencontre organisées à la mémoire du Père Jacques les
9-11 juin et 22-24 septembre 1995, Paris, éditions du Cerf, 1999. Cette
étude est consolidée par la publication de 2003, signée de Michel Carrouges, Le père Jacques : « Au revoir les enfants »
publiée à Paris, aux éditions du Cerf, et par celle de 2007, signée par le
collectif de la province de Paris de l’ordre des Carmes Déchaux, Tenir Haut l’Esprit, Père Jacques de Jésus,
Toulouse, éditions du Carmel.
Ces différentes publications ont apporté un nouvel éclairage sur les
interactions entre les mouvements chrétiens, la population juive et la
résistance dans la région. Elles ont démontré l’importance de la discussion
interreligieuse, dans ce cas juifs/chrétiens, au moment des conflits armés
mettant en péril le droit humain. Certains des témoignages traitent du rapport
au divin des frères Carmes, de l’influence de la Bible et de l’histoire juive,
dans le comportement salvateur de Justes parmi les Nations issus de cette
obédience. Elles démontrent également de l’influence d’une politique organisée
autour du droit citoyen et du devoir civique pour le sauvetage de victimes,
femmes et enfants, souvent dénoncées par des pères, des hommes chargés de
famille imposant des rapports de violence et sauvées par le courage de
responsables politiques comme Remy Dumoncel et son équipe de la Mairie d’Avon.
En contrepoint les articles sur l’occupant nazi dévoilent l’organisation
rigoureuse et une morale criminelle, excluant toute conception du divin et du
respect de la liberté citoyenne chez les agresseurs. L’éducation morale des
écoliers a été suivie par les professeurs de la région en 1988, 44 ans après
les faits et l’influence des témoignages sur la population citoyenne ont été
mémorisées par la publication de nombreux articles sur le sujet dans la revue
d’histoire locale en 2014. Il semble donc que la décision de Yad Vashem
d’attribuer les titres de Justes parmi les Nations à plusieurs des citoyens de
la région et aux prêtres, comme l’impact de l’œuvre fictionnelle basée sur les
souvenirs biographiques de Louis Malle, aient été d’une grande importance pour
la sensibilisation du problème posé par le devoir de résistance. En effet, la
mairie de cette région est réellement identifiée comme résistante et ayant développé
un premier concept de résistance administrative, mettant en place une politique
humanitaire en faveur des plus vulnérables et divergente de la politique
nationale dirigée par Laval.
A partir des années 80, le devoir citoyen envers tout civil, le respect
des droits de l’homme, le droit à la sécurité des mères, des femmes et des enfants,
quelles que soient les origines sociales, ethniques, religieuses, semble être
conforté par la reconnaissance des actes de la génération antérieure, à travers
les hommages publics, les écrits, les programmes scolaires, les œuvres
cinématographiques, biographiques ou fictionnelles et les oeuvres théâtrales.
Mais cette reconnaissance est-elle suffisante pour maintenir dans une
société contemporaine, les valeurs défendues par la mairie d’Avon à la période
définie ?
L’objectif de cette recherche est d’interroger
l’influence des valeurs éducationnelles, des valeurs de la laïcité, de celles
de la religion, sur les actes de résistance pendant la période de la
résistance. Le Juste parmi les Nations, chrétien et carme, le père Jacques se
veut avant tout un éducateur. C’est en ce nom qu’il prit la responsabilité
d’ôter du circuit de la déportation, des enfants juifs et que suite à une
dénonciation, il en a partagé le destin. Il décède à 45 ans, des suites de
déportation à Mauthausen.
Notre
étude se divise en deux points : la part laïque de la résistance, et la
part religieuse. Elle analysera l’influence du patrimoine spirituel sur les
actions de ce prêtre et de son entourage religieux. L’influence de ce que
représente pour lui, le prophète Elie, dont les Carmes assument la parole et
l’autorité biblique. Une importance est particulièrement accordée aux
différentes stratégies utilisées par les nombreux membres laïcs de la Mairie
d’Avon pour sauver les citoyens mis en danger.
Tandis que
l’ambiguïté des notions comme la puissance politique et armée sur une
population civile, les notions de devoir et d’obéissance, le droit au
renseignement par la torture, la ségrégation administrative, l’application de
lois de déportation et d’élimination seront étudiées en fonction des actions
entreprises par les représentants du pouvoir nazi, laïc, en place dans la
région et par l’action de sa gestapo et de la milice sur la population locale à
la période concernée. Une analyse des discours des représentants au pouvoir est
un enjeu clef pour comprendre le discours et l’action d’une Mairie dévouée aux
valeurs de la résistance. Les implications d’une autorité civile, s’opposant
par différentes actions à l’autorité politique en défiant le rapport de force,
sont abordées par l’étude du fonctionnement de la Mairie d’Avon à la période
concernée, complétée par celle de la police et de la gendarmerie locale, dont
certains des membres ont accomplis de nombreux actes de résistance en soutien à
la population civile.
Dans son mémoire sur la Résistance française Paul Giniewski écrit :
« Dans cette France ou nous
étions environnés de tant de détracteurs, de pétainistes, de délateurs, de
dépisteurs de faciès juifs… j’ai découvert le monde parallèle, sous-jacent des
Justes, cette catégorie de mainteneurs, de restaurateurs, de gardiens de
l’ordre du monde à qui l’on a décerné à juste titre, la médaille israélienne et
d’autres, plus anonymes, restés ignorés qui la méritaient aussi…Ils ont risqué
leur vie en se joignant à notre combat. Les uns savaient qui nous étions,
d’autres ne le savaient pas. Les uns ont caché des Juifs spontanément,
d’autres, leur ont ouvert leur logis, ont partagé leur pain avec eux…A un
certain moment ils ont entendu l’appel d’un pasteur, d’un évêque, d’un
Gaulliste, ou d’un communiste qui les ont exhorté à se conduire en Chrétien, en
Français, en Homme et ils ont répondu à l’appel. Peu importe leur motivation,
leur couleur politique, leur religion. À cause de ces Justes, je me suis senti
moins abandonné. C’est une chose prodigieuse pour un Juif de découvrir des
non-juifs qui le défendent, prennent des risques, mettent
leur vie en jeu pour nous protéger…je me suis demandé si un non-juif peut
réaliser ce que représente pour nous ce prodige »[9].
Ce paragraphe de Giniewski démontre de l’importance pour la survie
humaine, le sens égalitaire et le bien-être social des citoyens, et pour la
mise en place d’une société harmonieuse, de l’éducation des sujets aux valeurs
morales, religieuses ou laïques impliquant des risques mais permettant de
conserver la part défensive du plus faible dans un rapport de force inégal. Car
en effet, dans cette région de Seine-et-Marne, l’histoire de 39-45 éclaire de
manière limpide, l’implication politique de l’inégalité des rapports de force
sur le citoyen.
L’œuvre
cinématographique de Louis Malle s’est penché sur ce rapport de force au sein
de la société préservée des écoliers du Collège d’Avon de cette époque. Cette
œuvre conserve son impact en 2014. Les œuvres de Brecht, dont Grand peur et misère du troisième Reich,
ont traités de cette importance de l’inégalité des rapports de force sur la
population. Le théâtre, comme le cinéma, la littérature, mais aussi tout autre
support artistique, sont des outils opérationnels quant à l’expression d’une
conservation de la mémoire et d’une sensibilisation de la population. Nous
examinerons l’influence des différentes conceptions débattues à cette période
dans cette région et leurs ascendants sur les actes héroïques de certains de
ses citoyens.
2. Méthodologie
L’organisation de cette partie s’établie en deux sections :
A –
L’analyse
systématique des critiques, articles, études des prédécesseurs et la méthode de
dépouillement systématique de toutes les informations, les références
historiques et les Archives, les notes et commentaires apportés par les
sources, permettront de confronter les conceptions des citoyens d’Avon,
résistants, Justes parmi les Nations, ou déportés avec celles des tenants du
rapport de force.
B
–
Cette recherche tente d’identifier la stratégie des différentes organisations
résistantes de la ville. Ses réussites et ses échecs. Elle se base sur
l’identité des résistants et leur mode d’action, leurs stratégies défensives
pour une bourgade de 4 480 habitants éprouvée par la répression (23 déportés)
pour avoir accompli des actions de résistance dont le sauvetage d’enfants
juifs. Cette section enquête sur les victimes, leurs caches sur le terrain,
leur périple et leur destin. Cette section se base sur les données répertoriées
et les noms déjà relevés : Les citoyens non-juifs comme Gaston Laidin, dénoncé
pour détention d'armes et déporté en mai 1944 ; Henri Mireux (déporté et mort à
Buchenwald), Gaston Sinet (déporté en 1943 et décédé à Bergen-Belsen). Gabriel
Georges (décédé en Allemagne en juillet 1944) ; le résistant Guy Borel,
fonctionnaire des postes (mort à Dachau en juillet 1944) ; René Teinturier,
instructeur militaire, qui procure des armes aux résistants et leur en
enseigner le maniement
(arrêté en
juin 1943, il meurt à Mauthausen)[10]. Les résistants, en lien avec la
Mairie d’Avon, comme le Capitaine Léon Guéneau, officier de carrière, chargé à
la demande du maire Remy
Dumoncel de la responsabilité de la cantine scolaire de la ville d’Avon9,
citoyen d’Avon dès
1934,
arrêté le 3 mai 1943 aurait été, par l’intermédiaire du colonel Fournet, un des
responsables ou un agent de liaison du mouvement de résistance CLB, Ceux de
LibérationVengeance, dirigé par Lecorre (Colonel Schimpf). « Il était chargé du
recrutement, des actions de sabotage, de repérage des itinéraires ferroviaires
des troupes allemandes, de trouver des endroits favorables pour les dépôts
d’armes et de munitions, de chercher les terrains d’atterrissage… »[11].
Selon le fils de Remy
Dumoncel, Guéneau aurait été chargé de la mise en place de documents d’identité
pour les apatrides : « C’est lui qui devait alimenter en fauxpapiers la Mairie
d’Avon en échange de cartes d’alimentation. Il fut arrêté par la Gestapo chez
lui, rue Charles Meunier, à Avon. Son arrestation a posée de sérieux problèmes
à mon père et à Mathéry. Il fut déporté sous l’étiquette Nacht und Nebel, Nuit et Brouillard ». Selon
Mairie
d’Avon, qui a sauvé femmes et enfants par la mise en service des papiers
administratifs. Mathéry est arrêté le 15 janvier 1944 par la gestapo, accusé de
faire des « faux papiers ». Le père Jacques, carme, directeur du Petit-Collège
d’Avon est arrêté par la gestapo, ainsi que trois élèves du petit Collège
d’Avon, le 15 janvier 1944. Le prêtre est accusé d’avoir « caché » ces enfants.
Les enfants sont accusés d’être Juifs. Lucien Canus, chargé du ravitaillement à
la mairie d’Avon, est arrêté le 29 février 1944. Aristide Roux, adjoint au
maire d’Avon, Etienne Chalut-Natal, adjoint au maire d’Avon, Charles Ziegler,
d’origine hongroise, employé municipal et traducteur de la mairie d’Avon, sont
arrêtés le 4 mai 1944.
Remy
Dumoncel, maire d’Avon, arrêté le 4 mai 1944 à 18h 30, à la sortie du train
ParisAvon. Prévenu à Paris, de l’incarcération de ses adjoints dans la journée,
le maire d’Avon décide de les « accompagner dans leur captivité », et monte
dans le train pour Avon sachant qu’il sera arrêté à la gare. Remy Dumoncel, le
Père Jacques, Paul Mathéry font partis des Justes parmi les Nations inscrits à
Yad Vashem[13].
Sont également comptés parmi les résistants de la ville, René François
qui rejoint les forces aériennes gaullistes en 1942, André Levasseur, éduqué
par le père Jacques des Carmes et Ouzoulias, maquisard[14]. Les Archives de Fontainebleau
mentionnent également les actions de résistance de différents religieux de la
région, comme celles accomplies par l’abbé Abalin curé de Brégy qui indique aux
résistants une tombe vide et cimentée, inutilisée au cimetière, où sont
entreposés les explosifs et les armes[15].
Les victimes, comme les cinq citoyens d’Avon et le citoyen de Thomery,
fusillés par les nazis en mai 42 sont nommées dans La Marseillaise de Seine-et-Marne datée du 12 octobre 1945. Un
court article mentionne Raymond Lecuyer, père de 3 enfants, Roger Bontemps,
père de 5 enfants, Lucien Richard, Armand Guillot, père de 5 enfants, Robert
Vielle, père de 7 enfants et leur camarade Maurice Courtot de Thomery,
père de 3 enfants. Partis chasser en forêt, en début de printemps, dans
l’espoir d’améliorer les rations alimentaires de la trentaine de personnes
qu’ils avaient à charge, femmes et enfants, ils sont surpris par une patrouille
allemande qui ratissait le terrain suite à une délation. Condamnés à mort, ils
sont exécutés huit semaines plus tard. La femme de Robert Vielle témoigne
: « La
nourriture était rare. Ils sont partis chasser en forêt. Les Allemands ont
organisé des rondes…Ils ont tiré sur eux. Mon mari a été blessé. Un médecin, le
Dr. Desclaux, est venu le soigner à la maison. Quelques jours après, ils ont
été arrêtés à leur domicile les uns après les autres. Le jugement a eu lieu rue
Royale à Fontainebleau. Ils ont été condamnés à mort. Ils avaient trois jours
pour obtenir leur grâce. Ce qui n’a pas été respecté, car les Allemands les ont
fusillés deux jours plus tard sans attendre la réponse à la demande de grâce
adressée par le maire, Mr. Remy Dumoncel. Les six hommes ont été fusillés le 13
mai 1942 à la Glandée en forêt de Fontainebleau »15.
Le maire, Remy Dumoncel, fera
prendre en charge par les services municipaux les rations alimentaires des
femmes et des enfants des déportés et des fusillés de sa commune.
Les listes d’arrivée à Drancy répertoriées par Serge et Beate Klarsfeld
confirme l’arrivée en camp de Drancy, le 21 octobre 1942, de trois personnes de
Fontainebleau-Avon : Une femme d’origine russe, née le 21 février 92, Khimia
Waisler et le couple polonais Jacob et Ita Gerstztenkorn, nés en 86 et 87 à
Varsovie. Le 21 mai 43, le couple Erligmann, Joseph né le 10 décembre 71 et
Rebecca, née Grossman en Russie le 10 janvier 75. Ils vivaient 16 rue Pasteur à
Fontainebleau-Avon. Le 16 juin 43 le couple Zilberberg rentre à Drancy. Israël
est né le 23 février en « Irean »[16] en 1902 et son épouse Denise, plus
jeune de douze ans, née
Kotler le
25 mai 1914, vivaient au 22 rue de Neuville à Fontainebleau-Avon. Tout d’abord
séquestrés à Melun, le couple Novochbleski, René dit Jacob, né dans le second
arrondissement de Paris le 27 février 91 et Hélène née Chiger dans le 4ème
arrondissement à Paris, le 13 juin 80, plus âgée que lui de 9 ans, était
également domicilié au 22 rue de Neuville à Fontainebleau. Ils arrivent à
Drancy le 29 juin 43. Les Zilberberg et les Novochbleski étaient voisins. La
famille Sephiha de Constantinople, Mayer, né en novembre 85, son épouse Fanny,
née Levy le 10 janvier 93, et leurs enfants, Claire, née le 10 août 19 à
Levallois-Perret, et Victorine-Renée, née le 27 juillet 17, dans le onzième
arrondissement de Paris, vivait au 37 rue Saint-Honoré à Fontainebleau. Ils
arrivent ensemble au camp de Drancy[17]. Il est ä noter la famille juive d’origine grecque, Hieshan
et son épouse née Chaki Léa Levi et leurs enfants, résidents 13 bis rue du 14
Juillet[18]. Il semblerait que les victimes de
la ville, soient d’abord regroupées à Melun puis transférées à Drancy. En été
44, il n’y a plus, sur les listes nationales de citoyens « déclaré juifs » à
Fontainebleau-Avon.
Les actions
des autorités nazies et celles de la Gestapo sont analysées en fonction des
informations retranscrites par les services des Fonds B.N.F. Gallica, L’Organe régional des mouvements unis de
résistance Provence Libre 1944 ; les Rapports
de délibération Conseil Général Préfecture de Seine et Marne 1945/11, le Rapport du Directeur départemental Service
des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés. Ces archives ont mis à
disposition des informations importantes. L'étude critique se portera donc sur
l'évolution et sur l'interprétation des stratégies employées au cours de cette
période et dans cette région. L’analyse des personnages engagés dans le
conflit, les solutions proposées au problème de la répression et de la
sauvegarde citoyenne dans cette période seront au centre de l'enquête.
Conclusion
Ce travail
de recherche vient compléter un travail sur la résistance juive et non-juive
contre la répression nazie entrepris au Théâtre du Rio et présenté en tant que
spectacle en 1977 à
Grenoble. Cette recherche permettra,
après avoir thésaurisé les éléments connus, de compléter par une recherche
cohérente, la perception de la résistance de la Ville d’Avon et des Justes
parmi les Nations. D'apporter un nouvel éclairage sur la période concernée.
Cette étude devrait répondre aux questions posées par la relation
interreligieuse, aux moments critiques de l'histoire humaine, et devrait
permettre de donner des réponses aux questions que pose l'héritage conflictuel
de la guerre de 39-45, responsable de 60 millions de morts en 6 ans et son
sens, pour le citoyen du XXIeme siècle.
[1] Geneviève Bauchard, « Le journal de l’exode de Jules
Lanoë », Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014,
p. 52-55.
[2] Alexis Neviaski, « Un couvent et des religieux
en guerre, le couvent des Carmes d’Avon (1939-1945) », Fontainebleau, la revue d’histoire de la ville et de sa région, n0
6, Edition Mai 2014, p. 56-66.
[3] Maryvonne Braunschweig, « Des amis des Juifs à
Avon, à la fois Justes et résistants », Fontainebleau, la revue d’histoire de
la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014, p. 62-66.
[4] Jean-Claude Polton « La Libération de
Fontainebleau », Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014,
p. 67-72.
[5] Frédéric Viey « Des soldats Juifs à
Fontainebleau durant la Grande Guerre », Fontainebleau,
la revue d’histoire de la ville et de sa région, n0 7, Edition
Novembre 2014, p. 22-25.
[6] Fréderic Viey, Histoire des Juifs en Seine-et-Marne, Lys éditions Amatteis, Le Mée
sur Seine, 2005.
[7] . Fréderic Viey, Fontainebleau-Avon, Journal d’une communauté
juive de la révolution à nos jours, Éditions Les Fougères, Avon, 1991.
[8] . Fréderic Viey, Le livre mémorial des Juifs de Seine et Marne, durant la seconde Guerre
Mondiale 1940-1945, Éditions Conseil des Communautés Juives de
Seine-et-Marne sous la direction de Charles Goldstein et Éditions La
Plume et l’Écran, 2008.
[9] Paul Giniweski, Une résistance Juive, Grenoble 1943-1945, Éditions
Cheminements, 2009, p. 261-262.
[10] Sources : dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004. 9 Ibid.
[11] Les déportés d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au
revoir les enfants, carnet de fouille 60, Foyer des
élèves du Collège d’Avon, 1988.
[12] Ibid., p. 89 ; p. 121.
[13] « Ce titre de « Juste parmi les nations » (חסיד
אומות העולם) expression du Talmud (traité Baba Batra, 15 b) est créée en 1953 par la Knesset, en même temps qu’elle créait le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem consacré aux
victimes de la Shoah, afin d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en
danger pour sauver des Juifs ». Le titre de Juste est décerné au nom de l’État d’Israël par le
mémorial de Yad Vashem. Au 1er janvier 2012, 24 355 Justes parmi les nations de
46 pays ont été honorés. Il s’agit actuellement de la plus haute distinction
honorifique délivrée par l'État d'Israël à des civils » (cf., « Justes parmi les Nations », Wikipédia).
[14] Sources : dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, AERI,
2004.
[15] Le comité A.N.A.C.R., « Nouvelles complicités
patriotiques », Les cahiers de la
résistance Seine-et-Marnaise, n0 4, lieu de mémoire en forêt de
Fontainebleau, n. F.L. 940.54 SEI, P.11. 15 Ibid.
[16] Le document orthographie de cette
manière le lieu d’origine. Faut-il comprendre en Iran ?
[17] Source Serge Klarsfeld. p. 85.
[18] Les déportés
d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au revoir les enfants, carnet de
fouille 60, Foyer des élèves du Collège d’Avon,
19883, p. 39.
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