lundi 17 août 2015
SASKIA COHEN TANUGI: NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA par ...
SASKIA COHEN TANUGI: NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA
par ...: NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA par Dr. Sh. Saskia Cohen Tanugi Vers 2010, une des figures bibliques commençait à m’i...
NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA
par Dr. Sh. Saskia Cohen Tanugi
Vers 2010, une des
figures bibliques commençait à m’intéresser pour son courage et par sa réputation
de vaillance militaire exceptionnelle, face à une situation stratégique
difficile à gérer : celle d’un peuple découragé et sans arme devant
affronter une armée pharaonique combative d’un côté et la barrière naturelle
d’un front maritime peu accueillant, de l’autre.
Un de ses faits de guerre n’est pas
relaté directement par la Torah, mais est commenté par les Midrashim, par la
tradition rabbinique et évoqué dans un Psaume.
Ce personnage figure dans la liste des descendants de Juda sortis d’Égypte.
Il fait partie du recensement du premier jour, du second mois de la deuxième
année après la sortie d’Égypte (Nombres 1, 1). Il a le statut de chef de sa
famille paternelle (Nombre 1, 4). Frère d’Elisheva, beau-frère d’Aaron (Exode 6,
23), oncle des premiers officiants hébreux, Nadav et Avihou, Eléazar et Ithamar
(Nombres 3, 2), proche de Moïse, il se
nomme Nahson, fils d’Amminadab, de la tribu de Juda (Nombre 1,7).
Deux ans après la traversée de la mer rouge, il dirige une légion
composée de soixante-quatorze mille six cents hommes de plus de vingt ans,
aptes à l’armée (Nombres 1, 27) sur un total de six cent trois mille cinq cent
cinquante hommes aptes à l’armée (Nombres 1, 46), d’après le recensement de
l’ensemble du peuple. Chaque soldat fut enregistré selon sa famille paternelle.
Dans l’organisation du campement quasi-militaire, le camp dirigé par
Nahson sous la bannière de Juda est situé à l’avant des campements, à l’orient
(Nombres 2, 3-4).
Nahson et ses hommes sont suivis et épaulés d’un côté, par le camp
d’Issachar dirigé par Nethanel fils de Souar, et ses cinquante-quatre mille
quatre cents hommes (Nombres 2, 5-6) et de l’autre, par le camp de Zabulon
dirigé par Eliav fils de Hêlon, composé de cinquante-sept mille quatre cents
hommes (Nombres 2, 7-8).
Nahson est le premier représentant de tribu royale à ouvrir la marche aux
hébreux du côté de l’orient. Il est à la tête d’une légion organisée en un
ensemble de trois tribus, dont le recensement total dénombre cent
quatre-vingt-six mille quatre cents soldats (Nombres 2, 9).
Cette première marche eut lieu exactement vingt jours après le
recensement : le vingtième jour du second mois de la deuxième année depuis
la sortie d’Égypte (Nombres 10, 11). Elle aboutit au désert de Pâran (Nombres
10, 12).
Cette première marche fut ordonnée par la sonnerie de trompettes. Depuis
cet instant, deux trompettes d’argent sonnées par les fils d’Aaron annonceront les
mouvements des légions (Nombres 10, 8).
Quand une seule trompette est sonnée, les princes des 12 tribus, dont
Nahson, ont ordre de se rassembler et de se rendre auprès de Moïse pour
recevoir les instructions (Nombres 10, 4).
Quand une fanfare est sonnée par les fils d’Aaron, le camp dirigé par Nahson
et la tribu royale de Juda encadrée de celles d’Issachar et de Zébulon, ouvrent
la marche vers l’orient (Nombres 10, 5).
Dès que Moïse eut achevé de dresser le tabernacle dans le Sinaï, les 12
chefs des Hébreux vinrent déposer les mêmes offrandes au nom de leurs tribus
respectives (Nombres 7, 1-2).
En tant que chef de la tribu royale, Nahson fut le premier à présenter
une écuelle et un bassin d’argent remplis de farine pétrie à l’huile ; une
coupe d’or pleine de parfum ; 3 taureaux, 6 béliers, 6 agneaux, 6 boucs
(Nombres 7, 12-17).
Trop âgé ou décédé dans le désert, il ne figure plus parmi les chefs de
tribus envoyés, à la saison des premiers raisins, inspecter Canaan (Nombres 13,
20). Il est remplacé par Caleb fils de Yefounné, dans sa fonction de chef de la
tribu de Juda (Nombres 13, 6).
Si Moïse déclare ne pas être un homme de discours et « lourd
de bouche » (Exode 4, 10), les chefs de la tribu de Juda sont traditionnellement
de bons exemples pour les tribus. Nahson, et Caleb après lui, le prouvent:
Nahson le premier, en intervenant énergiquement auprès du peuple découragé,
immobilisé entre la charge de la cavalerie pharaonique et la mer, lors de la
sortie d’Égypte ; Caleb, fils de la même tribu, en entravant le
découragement du peuple, suite au rapport alarmiste des explorateurs sur les
territoires à conquérir (Nombres 13, 25-33 ; 14, 1-10). En effet, ce
rapport aurait pu conduire le peuple à lapider Moïse et Aaron (Nombres 14, 10).
Seul Hochéa/Joshua fils de Nûn, de la tribu d’Ephraïm, soutient Caleb.
Nahson est une des premières références pour illustrer le comportement
des membres de la tribu de Juda. Il vit parmi les esclaves de Ramsès et sort de
la ville avec eux, aux côtés de sa sœur Elishéva, de son beau-frère Aaron et du
frère de celui-ci, Moïse. Rabbi Meïr
mentionne son entrée courageuse dans la mer, face au peuple découragé, le
Psaume 114 (2-4) la rappelle.
Il est le premier à entrer dans les flots sur l’ordre de Moïse, quand
les différents chefs des 11 autres tribus se disputaient inefficacement sur la
marche à suivre : Selon la tradition rabbinique, la question à cet instant
décisif, était de se rendre à la
cavalerie pharaonique et de capituler, ou de combattre jusqu’à la mort, ou
encore de se jeter dans les flots, ou plutôt de crier et faire entendre sa
voix à Pharaon?
Les faits bibliques ne mentionnent pas exactement ces détails. L’Exode
informe qu’après avoir été chassés par Pharaon, Moïse et Aaron entraînèrent les
anciens esclaves depuis la ville de Ramsès jusqu’au lieu-dit « Soukkot »,
où campèrent près de six cent milles voyageurs sans compter les enfants, les
troupeaux, les personnes et les étrangers qui les avaient suivis. Ils dînèrent
tous de pain non levé, et pour les hébreux, d’agneaux grillés, interdits à la
consommation par le rite égyptien (Exode 12, 37). C’était le printemps (Exode
13, 5). Le peuple quitta Soukkot pour parvenir à Etham, à l’extrémité du désert
(Exode 13, 20), puis le groupe d’anciens esclaves fit marche arrière et campa
devant Pi-Hariroth entre Migdal et la mer, devant Baal Tsefon, au bord de la
mer (Exode 14, 2-3). Ils n’étaient pas encore organisés en légions ordonnées au
son des trompettes. A l’approche de la cavalerie pharaonique, le peuple
s’affola et s’en prit à Moïse : « Est-ce faute de tombeau en Égypte
que tu nous as pris pour mourir dans le désert ? » (Exode 14, 11).
Selon la tradition, seul Nahson entra dans la mer, respectant l’ordre de Moïse.
Il représentait Juda. Le peuple le suivit. « Parle aux enfants d’Israël et
qu’ils avancent. Et toi, lève ton bâton et étends ta main sur la mer et
divise-la et les enfants d’Israël entreront au milieu de la mer à sec »
(Exode 14, 15-16). Si ce n’est pas la voix de Nahson qui est citée, c’est l’expression
de son acte pour tous les hommes présents à cet instant.
D'une manière identique, le successeur de Nahson, Caleb fils de Yéfounné
de la tribu de Juda, à son retour d’exploration des territoires de Canaan, fit
taire le peuple soulevé contre Moïse par le rapport alarmiste de 10 des chefs
de tribus. Caleb ordonne au peuple de continuer le chemin vers Canaan, contre
l’avis du miniyan[1] :
« Montons, montons-y et prenons en possession, car nous en serons
vainqueurs ! » (Nombres 13, 30).
Une même foi en Moïse tient Caleb et Nahson, une même loyauté envers
les valeurs spirituelles de Moïse, un même sens des responsabilités de chef de tribu
royale, un même sens du courage, du zèle, d’action énergique pour maintenir une
cohérence collective. Nahson, comme Caleb sont deux chefs méritants de la tribu
royale. Il est impossible d’être roi sans ces qualités.
Que le projet de Moïse soit juste ou qu’il ne le soit pas, n’est pas le
problème de ces chefs de tribu royale dont les actions tendent à rendre
cohérente, une décision spirituelle. Leur but semble être de fédérer le peuple autour
d’un projet constructif qui le dépasse et cela pour les générations à venir. En
abolissant la force dévastatrice du doute et de la peur, paralysant la
collectivité et la décomposant dans des émeutes, Nahson ou Caleb, par un dévouement énergique
et par une action morale exemplaire, ont rendu le projet de Moïse apte à être
suivi par la communauté récalcitrante, indisciplinée, têtue et découragée.
Caleb, comme Nahson avant lui, a fait du projet de Moïse, un projet
spirituel lisible, apte à s’inscrire dans le réel pour la totalité du peuple au
moment du doute.
Ils font basculer la spiritualité d’une partie de la tribu de Lévi -
spiritualité qui aurait pu isoler Moïse du monde - dans un monde fiable,
abordable, pour un groupe majoritaire, formé de 10 tribus sur 12 décidées à la
révolte, à la dissension, réfractaires à tout mouvement spirituel, à tout
déplacement du groupe qui ne soit pas concrètement rétribué par de la
nourriture, par de la viande et de l’eau (Exode 16, 2-3 ; Exode 17, 3)[2]-
le descendant de Joseph, le chef de la tribu d’Éphraïm, Joshua qui escortera Moïse
puis le remplacera à la tête spirituelle et militaire, suivait la tribu de Juda
pour la sauvegarde du projet du fils de Jokebed, au moment de la sédition du
peuple assoiffé et affamé.
Comment Nahson et Caleb sont-ils parvenus à contrer la rébellion du
peuple et à garantir le projet de Moïse ? Par un acte fédérateur
exemplaire abolissant la crainte et l’affolement au moment opportun et par un
discours unificateur contrecarrant le découragement et la sédition qui suivait
inévitablement l’abattement. Ils devenaient garants de cette partie de la
maison de Lévi. La maison de Juda et avec elle, la maison d’Ephraïm
représentent la vigueur de l’élite, même minoritaire, ayant la faculté de
contrer sans violence, les mouvements d’insurrection de la majorité, consécutifs
à la peur, à l’incertitude, à l’épuisement non maîtrisés par le peuple amené au
soulèvement.
Si Moïse représente un appel spirituel vers l’absolu, Caleb comme
Nahson le coordonnent et représentent le pouvoir temporel apte à rendre viable un
projet spirituel malgré l’accablement collectif.
En cela, Nahson et Caleb sont les
dignes représentants de la royauté tribale; pour les Hébreux, ils personnifient
la royauté de Juda conservant la lumière traditionnelle, malgré l’épreuve de la
période d’esclavage et celle de la sortie d’Égypte.
Michelangelo propose une représentation de Nahson fils d’Amminadav, sur
le plafond de la Sixtine. Il l’associe à une femme au miroir.
[1] Ensemble de 10 hommes âgés de plus de 13 ans, aptes à rendre
collective la prière et à prendre une décision.
[2] Exode 14, 11 « Et ils dirent
à Moïse Est-ce faute de tombeaux en Égypte que tu nous as pris pour
mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous tirant d’Égypte ?
N’est-ce pas la chose que nous t’avions dite en Égypte, laisse-nous et servons
les Égyptiens ? »
Exode 16, 2-3 : « Toute
la communauté des enfants d’Israël murmura contre Moïse et Aaron, dans le
désert : les enfants d’Israël dirent : « Que ne sommes-nous
morts dans la main du Seigneur, dans le pays d’Égypte, assis près des marmites
de viande et mangeant du pain à satiété car vous nous avez fait sortir dans ce
désert pour faire mourir tout ce peuple de faim ».
Nombres
14, 2 : Et toute la communauté dit : « Que ne sommes-nus
morts dans le pays d’Égypte, ou que ne mourrons-nous dans le désert ! Et
pourquoi l’Éternel nous mène-t-il dans ce pays-là, pour y périr parle glaive,
nos femmes et nos enfants s’y faire enlever ? Certes il vaut mieux pour
nous retourner en Égypte ».
samedi 24 janvier 2015
RÉSISTANTS, JUSTES PARMI
LES NATIONS ET DÉPORTÉS
FONTAINEBLEAU-AVON 1939-1945
Importance de la pensée
religieuse dans la résistance chrétienne
Sh. Saskia COHEN TANUGI pour H.U.J.I.
1. Problématique
A partir
d'une étude argumentée, nous proposons de compléter les travaux entrepris par
les prédécesseurs, en nous concentrant sur l’action des résistants au régime
collaborateur et à l’occupation nazie dans la région de Seine-et-Marne et plus
particulièrement dans la ville de Fontainebleau-Avon. Notre recherche se
concentre sur un sujet qui mérite une grande attention car la population de la
Ville d’Avon, représentée par son maire Remy Dumoncel, dévoile une action
organisée et résistante qui fut honorée par Yad Vashem. La ville
comptant plusieurs Justes parmi les Nations, reconnus par les autorités
israéliennes compétentes, pour leurs actions courageuses en faveur de la
population juive de la région et en faveur de la résistance.
Les
premières études générales consacrées à ce sujet sont, sans conteste, celles de
Serge et Béate Klarsfeld. Elles furent suivies, pour les recherches les plus
récentes, par les dossiers publiés dans la revue « Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région », notamment par les articles rédigés
par Geneviève Bauchard « Le journal de l’exode de Jules Lanoë »[1]. Alexis Neviaski, dans son article intitulé « Un
couvent et des religieux en guerre, le couvent des Carmes d’Avon (1939-1945) »[2] expose les actes du père Jacques, directeur du
Petit-Collège d’Avon et ceux des prêtres du couvent qui cachèrent plusieurs enfants
juifs, employèrent comme professeurs des instituteurs soumis au port de
l’étoile jaune et prodiguèrent leur soutien aux réfractaires du S.T.O. Les
actes de résistance de ce couvent des Carmes ont été rapportés par l’entreprise
cinématographique française, dans un film signé de Louis Malle, ancien élève au
Petit-Collège d’Avon, témoin de l’entrée de la Gestapo dans le corps du
bâtiment, venue rechercher des enfants cachés pour les conduire en déportation, sous l'autorité des
forces nazies. Cet article est complété par la recherche de Maryvonne
Braunschweig qui décrit la ville d’Avon et sa population, au temps de la persécution[3]. La libération de Fontainebleau-Avon est analysée par
Jean-Claude Polton, Docteur en histoire et secrétaire général des Amis de la
Forêt de Fontainebleau[4]. En 2014, 20 pages d’une revue française d’histoire sont entièrement consacrées aux persécutions nazies, aux nombreux Justes parmi les
Nations de la Ville d’Avon et aux mouvements de la résistance de la région
Fontainebleau-Avon.
L’ancienneté
et la loyauté de la présence Juive dans cette région est présentée par Frédéric
Viey dans un article intitulé « Des soldats Juifs à Fontainebleau durant la
Grande Guerre »[5]. Cet auteur publie, par ailleurs, différentes
recherches sur l'histoire de la population juive de la région depuis 1991[6][7][8] : Fontainebleau-Avon,
Journal d’une communauté juive de la révolution à nos jours, suivie par Histoire des Juifs en Seine-et-Marne en
2005, puis par Le livre mémorial des
Juifs de Seine et Marne, durant la seconde Guerre Mondiale 1940-1945 en 2008.
Fréderic Viey est également l’auteur d’un article sur le sujet « Les héros
d’Avon », publié sur le site web de Judaïques
Culture, le 28 Avril 2013. Son
article vient compléter celui de B. Pamart, « Ils ont fait l’honneur d’Avon,
Rémy Dumoncel», paru dans le Bulletin
Municipal, 42, en octobre 2007.
Les
Archives de la Ville de Fontainebleau conservent différents ouvrages sur le
sujet : celui du père Philippe, Carme Déchaux, Un martyr des camps, le père Jacques 1900-1945,
Paris, Tallandier, 1949. Ce livre, rapporte les faits constatés par un témoin direct. Il n’est plus
édité. Par contre, il est possible de trouver le document signé de Jacques
Chegaray, Un carme Héroïque, la vie du
père Jacques, Paris, nouvelle cité, 1988, et de consulter celui de
Christiane Meres, Petite vie du père
Jacques, éditions Desclée de Brouwer, 2005. Il est important de noter que les
professeurs d’histoire et de littérature de la région ont conduit l'étude des écoliers
de différentes classes, sur l'ouverture d'un dossier concernant la résistance régionale et
sur la recherche de témoignages concernant les tentatives de sauvetage d’enfants juifs par les prêtres
d’Avon. Les résultats de ces recherches ont été publiés par les élèves, dans un
document centré sur le film de Louis Malle. La publication a été intitulée Les déportés d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au revoir
les enfants, carnet de fouille 60, Foyer des élèves du Collège
d’Avon, 1988.
Un document vidéo réalisé par Michel Fresnel et Annie-Claude Elkaim, intitulé «
Les enfants du père Jacques », présente différents témoignages : ceux de
Mme Tourtebatte, sœur de Hans-Helmut Michel, caché par les prêtres d’Avon,
dénoncé et mort en déportation. Ce témoignage est complété par celui du père
Carme Victor Sion, par ceux des anciens élèves du Petit-Collège d’Avon,
François-Xavier de Sieyes et Guy de Vogüe, par celui du chef de la résistance,
Albert Ouzoulias et de l’ancien économe Jacques Mathieu. De nombreux autres
témoins, la résidante d’Avon, madame Simone Jourdain ; les rescapés du convoi
67, Monsieur Raphaël Esrail et madame Claudine Hess ; les rescapés du camp de
Güsen, messieurs Louis Deblé, Jean Gavard, et Henri Boussel viennent compléter
les informations sur l’évènement. Ce document est enrichi par des documents
d’époque tournés à Avon en 8 mm par Jean Taisne.
La
bibliothèque de l’ancien Petit-Collège d’Avon présente également différents
ouvrages sur les actes des Justes parmi les Nations au sein des Carmes, à la
période de la seconde Guerre mondiale, comme le document de Frère Philippe Hugelé, Par la croix vers la lumière, le père Jacques de Jésus (1900-1945)
textes des journées de rencontre organisées à la mémoire du Père Jacques les
9-11 juin et 22-24 septembre 1995, Paris, éditions du Cerf, 1999. Cette
étude est consolidée par la publication de 2003, signée de Michel Carrouges, Le père Jacques : « Au revoir les enfants »
publiée à Paris, aux éditions du Cerf, et par celle de 2007, signée par le
collectif de la province de Paris de l’ordre des Carmes Déchaux, Tenir Haut l’Esprit, Père Jacques de Jésus,
Toulouse, éditions du Carmel.
Ces
différentes publications ont apporté un nouvel éclairage sur les interactions
entre les mouvements chrétiens, la population juive et la résistance dans la
région. Elles ont démontré l’importance de la discussion interreligieuse, dans
ce cas juifs/chrétiens, au moment des conflits armés mettant en péril le droit
humain. Certains des témoignages traitent du rapport au divin des frères
Carmes, de l’influence de la Bible et de l’histoire juive, dans le comportement
salvateur de Justes parmi les Nations issus de cette obédience. Elles
démontrent également de l’influence d’une politique organisée autour du droit
citoyen et du devoir civique pour le sauvetage de victimes, femmes et enfants,
souvent dénoncées par des pères, des hommes chargés de famille imposant des rapports
de violence et sauvées par le courage de responsables politiques comme Remy
Dumoncel et son équipe de la Mairie d’Avon. En contrepoint les articles sur
l’occupant nazi dévoilent l’organisation rigoureuse et une morale criminelle,
excluant toute conception du divin et du respect de la liberté citoyenne chez
les agresseurs. L’éducation morale des écoliers a été suivie par les
professeurs de la région en 1988, 44 ans après les faits et l’influence des
témoignages sur la population citoyenne ont été mémorisées par la publication
de nombreux articles sur le sujet dans la revue d’histoire locale en 2014. Il
semble donc que la décision de Yad Vashem d’attribuer les titres de Justes
parmi les Nations à plusieurs des citoyens de la région et aux prêtres, comme
l’impact de l’œuvre fictionnelle basée sur les souvenirs biographiques de Louis
Malle, aient été d’une grande importance pour la sensibilisation du problème
posé par le devoir de résistance. En effet, la mairie de cette région est
réellement identifiée comme résistante et ayant développé un premier concept de
résistance administrative, mettant en place une politique humanitaire en faveur
des plus vulnérables et divergente de la politique nationale dirigée par Laval.
A
partir des années 80, le devoir citoyen envers tout civil, le respect des
droits de l’homme, le droit à la sécurité des mères, des femmes et des enfants,
quelles que soient les origines sociales, ethniques, religieuses, semble être
conforté par la reconnaissance des actes de la génération antérieure, à travers
les hommages publics, les écrits, les programmes scolaires, les œuvres
cinématographiques, biographiques ou fictionnelles et les oeuvres théâtrales.
Mais
cette reconnaissance est-elle suffisante pour maintenir dans une société contemporaine,
les valeurs défendues par la mairie d’Avon à la période définie ?
L’objectif de cette recherche est d’interroger
l’influence des valeurs éducationnelles, des valeurs de la laïcité, de celles
de la religion, sur les actes de résistance pendant la période de la
résistance. Le Juste parmi les Nations, chrétien et carme, le père Jacques se
veut avant tout un éducateur. C’est en ce nom qu’il prit la responsabilité
d’ôter du circuit de la déportation, des enfants juifs et que suite à une
dénonciation, il en a partagé le destin. Il décède à 45 ans, des suites de
déportation à Mauthausen.
Notre
étude se divise en deux points : la part laïque de la résistance, et la
part religieuse. Elle analysera l’influence du patrimoine spirituel sur les
actions de ce prêtre et de son entourage religieux. L’influence de ce que
représente pour lui, le prophète Elie, dont les Carmes assument la parole et
l’autorité biblique. Une importance est particulièrement accordée aux
différentes stratégies utilisées par les nombreux membres laïcs de la Mairie
d’Avon pour sauver les citoyens mis en danger. Tandis que
l’ambiguïté des notions comme la puissance politique et armée sur une
population civile, les notions de devoir et d’obéissance, le droit au
renseignement par la torture, la ségrégation administrative, l’application de
lois de déportation et d’élimination seront étudiées en fonction des actions
entreprises par les représentants du pouvoir nazi, laïc, en place dans la
région et par l’action de sa gestapo et de la milice sur la population locale à
la période concernée. Une analyse des discours des représentants au pouvoir est
un enjeu clef pour comprendre le discours et l’action d’une Mairie dévouée aux
valeurs de la résistance. Les implications d’une autorité civile, s’opposant
par différentes actions à l’autorité politique en défiant le rapport de force,
sont abordées par l’étude du fonctionnement de la Mairie d’Avon à la période
concernée, complétée par celle de la police et de la gendarmerie locale, dont
certains des membres ont accomplis de nombreux actes de résistance en soutien à
la population civile.
Dans
son mémoire sur la Résistance française Paul Giniewski écrit :
«
Dans cette France ou nous étions environnés de tant de détracteurs, de
pétainistes, de délateurs, de dépisteurs de faciès juifs… j’ai découvert le
monde parallèle, sous-jacent des Justes, cette catégorie de mainteneurs, de
restaurateurs, de gardiens de l’ordre du monde à qui l’on a décerné à juste
titre, la médaille israélienne et d’autres, plus anonymes, restés ignorés qui
la méritaient aussi…Ils ont risqué leur vie en se joignant à notre combat. Les
uns savaient qui nous étions, d’autres ne le savaient pas. Les uns ont caché des
Juifs spontanément, d’autres, leur ont ouvert leur logis, ont partagé leur pain
avec eux…A un certain moment ils ont entendu l’appel d’un pasteur, d’un évêque,
d’un Gaulliste, ou d’un communiste qui les ont exhorté à se conduire en
Chrétien, en Français, en Homme et ils ont répondu à l’appel. Peu importe leur
motivation, leur couleur politique, leur religion. À cause de ces Justes, je me
suis senti moins abandonné. C’est une chose prodigieuse pour un Juif de
découvrir des non-juifs qui le défendent, prennent des risques, le risque
suprême, mettent leur vie en jeu pour nous protéger…je me suis demandé si un
non-juif peut réaliser ce que représente pour nous ce prodige »[9].
Ce
paragraphe de Giniewski démontre de l’importance pour la survie humaine, le sens
égalitaire et le bien-être social des citoyens, et pour la mise en place d’une
société harmonieuse, de l’éducation des sujets aux valeurs morales, religieuses
ou laïques impliquant des risques mais permettant de conserver la part
défensive du plus faible dans un rapport de force inégal. Car en effet, dans
cette région de Seine-et-Marne, l’histoire de 39-45 éclaire de manière limpide,
l’implication politique de l’inégalité des rapports de force sur le citoyen.
L’œuvre
cinématographique de Louis Malle s’est penché sur ce rapport de force au sein
de la société préservée des écoliers du Collège d’Avon de cette époque. Cette
œuvre conserve son impact en 2014. Les œuvres de Brecht, dont Grand peur et misère du troisième Reich,
ont traités de cette importance de l’inégalité des rapports de force sur la
population. Le théâtre, comme le cinéma, la littérature, mais aussi tout autre
support artistique, sont des outils opérationnels quant à l’expression d’une
conservation de la mémoire et d’une sensibilisation de la population. Nous
examinerons l’influence des différentes conceptions débattues à cette période
dans cette région et leurs ascendants sur les actes héroïques de certains de
ses citoyens.
2. Méthodologie
L’organisation
de cette partie s’établie en deux sections :
A –
L’analyse
systématique des critiques, articles, études des prédécesseurs et la méthode de
dépouillement systématique de toutes les informations, les références
historiques et les Archives, les notes et commentaires apportés par les
sources, permettront de confronter les conceptions des citoyens d’Avon,
résistants, Justes parmi les Nations, ou déportés avec celles des tenants du
rapport de force.
B
– Cette
recherche tente d’identifier la stratégie des différentes organisations
résistantes de la ville. Ses réussites et ses échecs. Elle se base sur
l’identité des résistants et leur mode d’action, leurs stratégies défensives
pour une bourgade de 4 480 habitants éprouvée par la répression (23 déportés)
pour avoir accompli des actions de résistance dont le sauvetage d’enfants
juifs. Cette section enquête sur les victimes, leurs caches sur le terrain,
leur périple et leur destin. Cette section se base sur les données répertoriées
et les noms déjà relevés : Les citoyens non-juifs comme Gaston Laidin, dénoncé
pour détention d'armes et déporté en mai 1944 ; Henri Mireux (déporté et mort à
Buchenwald), Gaston Sinet (déporté en 1943 et décédé à Bergen-Belsen). Gabriel
Georges (décédé en Allemagne en juillet 1944) ; le résistant Guy Borel,
fonctionnaire des postes (mort à Dachau en juillet 1944) ; René Teinturier,
instructeur militaire, qui procure des armes aux résistants et leur en
enseigner le maniement
(arrêté en
juin 1943, il meurt à Mauthausen)[10]. Les résistants, en lien avec la Mairie d’Avon, comme
le Capitaine Léon Guéneau, officier de carrière, chargé à la demande du maire
Remy Dumoncel
de la responsabilité de la cantine scolaire de la ville d’Avon9,
citoyen d’Avon dès 1934,
arrêté le 3 mai 1943 aurait été, par l’intermédiaire du colonel Fournet, un des
responsables ou un agent de liaison du mouvement de résistance CLB, Ceux de
LibérationVengeance, dirigé par Lecorre (Colonel Schimpf). « Il était chargé du
recrutement, des actions de sabotage, de repérage des itinéraires ferroviaires
des troupes allemandes, de trouver des endroits favorables pour les dépôts
d’armes et de munitions, de chercher les terrains d’atterrissage… »[11].
Selon le fils de Remy
Dumoncel, Guéneau aurait été chargé de la mise en place de documents d’identité
pour les apatrides : « C’est lui qui devait alimenter en fauxpapiers la Mairie
d’Avon en échange de cartes d’alimentation. Il fut arrêté par la Gestapo chez
lui, rue Charles Meunier, à Avon. Son arrestation a posée de sérieux problèmes
à mon père et à Mathéry. Il fut déporté sous l’étiquette Nacht und Nebel, Nuit et Brouillard ». Selon Dumoncel
fils, son père aurait dit : « il ne reviendra jamais »[12]. Paul Mathéry, secrétaire de la Mairie
d’Avon, qui a sauvé femmes et enfants par la mise en service des papiers
administratifs. Mathéry est arrêté le 15 janvier 1944 par la gestapo, accusé de
faire des « faux papiers ». Le père Jacques, carme, directeur du Petit-Collège
d’Avon est arrêté par la gestapo, ainsi que trois élèves du petit Collège
d’Avon, le 15 janvier 1944. Le prêtre est accusé d’avoir « caché » ces enfants.
Les enfants sont accusés d’être Juifs. Lucien Canus, chargé du ravitaillement à
la mairie d’Avon, est arrêté le 29 février 1944. Aristide Roux, adjoint au
maire d’Avon, Etienne Chalut-Natal, adjoint au maire d’Avon, Charles Ziegler,
d’origine hongroise, employé municipal et traducteur de la mairie d’Avon, sont
arrêtés le 4 mai 1944.
Remy
Dumoncel, maire d’Avon, arrêté le 4 mai 1944 à 18h 30, à la gare
Paris-Avon. Prévenu à Paris, de l’incarcération de ses adjoints dans la journée,
le maire d’Avon décide de les « accompagner dans leur captivité », et monte
dans le train pour Avon sachant qu’il sera arrêté à la gare. Remy Dumoncel, le
Père Jacques, Paul Mathéry font partis des Justes parmi les Nations inscrits à
Yad Vashem[13].
Sont
également comptés parmi les résistants de la ville, René François qui rejoint
les forces aériennes gaullistes en 1942, André Levasseur, éduqué par le père
Jacques des Carmes et Ouzoulias, maquisard[14]. Les Archives de Fontainebleau mentionnent également
les actions de résistance de différents religieux de la région, comme celles
accomplies par l’abbé Abalin curé de Brégy qui indique aux résistants une tombe
vide et cimentée, inutilisée au cimetière, où sont entreposés les explosifs et
les armes[15]. Les
victimes, comme les cinq citoyens d’Avon et le citoyen de Thomery, fusillés par
les nazis en mai 42 sont nommées dans La
Marseillaise de Seine-et-Marne datée du 12 octobre 1945. Un court article
mentionne Raymond Lecuyer, père de 3 enfants, Roger Bontemps, père de 5
enfants, Lucien Richard, Armand Guillot, père de 5 enfants, Robert Vielle,
père de 7 enfants et leur camarade Maurice Courtot de Thomery, père de 3
enfants. Partis chasser en forêt, en début de printemps, dans l’espoir
d’améliorer les rations alimentaires de la trentaine de personnes qu’ils
avaient à charge, femmes et enfants, ils sont surpris par une patrouille
allemande qui ratissait le terrain suite à une délation. Condamnés à mort, ils
sont exécutés huit semaines plus tard. La femme de Robert Vielle témoigne
: « La nourriture était rare. Ils sont
partis chasser en forêt. Les Allemands ont organisé des rondes…Ils ont tiré sur
eux. Mon mari a été blessé. Un médecin, le Dr. Desclaux, est venu le soigner à
la maison. Quelques jours après, ils ont été arrêtés à leur domicile les uns
après les autres. Le jugement a eu lieu rue Royale à Fontainebleau. Ils ont été
condamnés à mort. Ils avaient trois jours pour obtenir leur grâce. Ce qui n’a
pas été respecté, car les Allemands les ont fusillés deux jours plus tard sans
attendre la réponse à la demande de grâce adressée par le maire, Mr. Remy
Dumoncel. Les six hommes ont été fusillés le 13 mai 1942 à la Glandée en forêt
de Fontainebleau »15. Le
maire, Remy Dumoncel, fera prendre en charge par les services municipaux les
rations alimentaires des femmes et des enfants des déportés et des fusillés de
sa commune. Les
listes d’arrivée à Drancy répertoriées par Serge et Beate Klarsfeld confirme
l’arrivée en camp de Drancy, le 21 octobre 1942, de trois personnes de
Fontainebleau-Avon : Une femme d’origine russe, née le 21 février 92, Khimia
Waisler et le couple polonais Jacob et Ita Gerstztenkorn, nés en 86 et 87 à
Varsovie. Le 21 mai 43, le couple Erligmann, Joseph né le 10 décembre 71 et
Rebecca, née Grossman en Russie le 10 janvier 75. Ils vivaient 16 rue Pasteur à
Fontainebleau-Avon. Le 16 juin 43 le couple Zilberberg rentre à Drancy. Israël
est né le 23 février en « Irean »[16] en 1902 et son épouse Denise, plus jeune de douze
ans, née Kotler le
25 mai 1914, vivaient au 22 rue de Neuville à Fontainebleau-Avon. Tout d’abord
séquestrés à Melun, le couple Novochbleski, René dit Jacob, né dans le second
arrondissement de Paris le 27 février 91 et Hélène née Chiger dans le 4ème
arrondissement à Paris, le 13 juin 80, plus âgée que lui de 9 ans, était
également domicilié au 22 rue de Neuville à Fontainebleau. Ils arrivent à
Drancy le 29 juin 43. Les Zilberberg et les Novochbleski étaient voisins. La
famille Sephiha de Constantinople, Mayer, né en novembre 85, son épouse Fanny,
née Levy le 10 janvier 93, et leurs enfants, Claire, née le 10 août 19 à
Levallois-Perret, et Victorine-Renée, née le 27 juillet 17, dans le onzième
arrondissement de Paris, vivait au 37 rue Saint-Honoré à Fontainebleau. Ils
arrivent ensemble au camp de Drancy[17]. Il est ä noter
la famille juive d’origine grecque, Hieshan et son épouse née Chaki Léa
Levi et leurs enfants, résidents 13 bis rue du 14 Juillet[18]. Il semblerait que les victimes de la ville, soient
d’abord regroupées à Melun puis transférées à Drancy. En été 44, il n’y a plus,
sur les listes nationales de citoyens « déclaré juifs » à Fontainebleau-Avon.
Les actions des
autorités nazies et celles de la Gestapo sont analysées en fonction des
informations retranscrites par les services des Fonds B.N.F. Gallica, L’Organe régional des mouvements unis de
résistance Provence Libre 1944 ; les Rapports
de délibération Conseil Général Préfecture de Seine et Marne 1945/11, le Rapport du Directeur départemental Service
des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés. Ces archives ont mis à
disposition des informations importantes. L'étude critique se portera donc sur
l'évolution et sur l'interprétation des stratégies employées au cours de cette
période et dans cette région. L’analyse des personnages engagés dans le
conflit, les solutions proposées au problème de la répression et de la
sauvegarde citoyenne dans cette période seront au centre de l'enquête.
Conclusion
Ce travail
de recherche vient compléter un travail sur la résistance juive et non-juive
contre la répression nazie entrepris au Théâtre du Rio et présenté en tant que
spectacle en 1977 à Grenoble. Cette recherche permettra, après avoir thésaurisé les
éléments connus, de compléter par une recherche cohérente, la perception de la
résistance de la Ville d’Avon et des Justes parmi les Nations. D'apporter un
nouvel éclairage sur la période concernée. Cette étude devrait répondre aux
questions posées par la relation interreligieuse, aux moments critiques de
l'histoire humaine, et devrait permettre de donner des réponses aux questions
que pose l'héritage conflictuel de la guerre de 39-45, responsable de 60
millions de morts en 6 ans, quelle en est la conséquence pour le citoyen du XXIeme
siècle.
[1] Geneviève Bauchard, « Le journal de l’exode de Jules
Lanoë », Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014,
p. 52-55.
[2] Alexis Neviaski, « Un couvent et des religieux
en guerre, le couvent des Carmes d’Avon (1939-1945) », Fontainebleau, la revue d’histoire de la ville et de sa région, n0
6, Edition Mai 2014, p. 56-66.
[3] Maryvonne Braunschweig, « Des amis des Juifs à
Avon, à la fois Justes et résistants », Fontainebleau, la revue d’histoire de
la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014, p. 62-66.
[4] Jean-Claude Polton « La Libération de
Fontainebleau », Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014,
p. 67-72.
[5] Frédéric Viey « Des soldats Juifs à
Fontainebleau durant la Grande Guerre », Fontainebleau,
la revue d’histoire de la ville et de sa région, n0 7, Edition
Novembre 2014, p. 22-25.
[6] Fréderic Viey, Histoire des Juifs en Seine-et-Marne, Lys éditions Amatteis, Le Mée
sur Seine, 2005.
[7] . Fréderic Viey, Fontainebleau-Avon, Journal d’une communauté
juive de la révolution à nos jours, Éditions Les Fougères, Avon, 1991.
[8] . Fréderic Viey, Le livre mémorial des Juifs de Seine et Marne, durant la seconde Guerre
Mondiale 1940-1945, Éditions Conseil des Communautés Juives de
Seine-et-Marne sous la direction de Charles Goldstein et Éditions La
Plume et l’Écran, 2008.
[9] Paul Giniweski, Une résistance Juive, Grenoble 1943-1945, Éditions
Cheminements, 2009, p. 261-262.
[11] Les déportés d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au
revoir les enfants, carnet de fouille 60, Foyer des
élèves du Collège d’Avon, 1988.
[13] « Ce titre de « Juste parmi les nations » (חסיד
אומות העולם) expression du Talmud (traité Baba Batra, 15 b) est créée en 1953 par la Knesset, en même temps qu’elle créait le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem consacré aux
victimes de la Shoah, afin d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en
danger pour sauver des Juifs ». Le titre de Juste est décerné au nom de l’État d’Israël par le
mémorial de Yad Vashem. Au 1er janvier 2012, 24 355 Justes parmi les nations de
46 pays ont été honorés. Il s’agit actuellement de la plus haute distinction
honorifique délivrée par l'État d'Israël à des civils » (cf., « Justes parmi les Nations », Wikipédia).
[15] Le comité A.N.A.C.R., « Nouvelles complicités
patriotiques », Les cahiers de la
résistance Seine-et-Marnaise, n0 4, lieu de mémoire en forêt de
Fontainebleau, n. F.L. 940.54 SEI, P.11. 15 Ibid.
[18] Les déportés
d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au revoir les enfants, carnet de
fouille 60, Foyer des élèves du Collège d’Avon,
19883, p. 39.
1. Problématique
A partir
d'une étude argumentée, nous proposons de compléter les travaux entrepris par
les prédécesseurs, en nous concentrant sur l’action des résistants au régime
collaborateur et à l’occupation nazie dans la région de Seine-et-Marne et plus
particulièrement dans la ville de Fontainebleau-Avon. Notre recherche se
concentre sur un sujet qui mérite une grande attention car la population de la
Ville d’Avon, représentée par son maire Remy Dumoncel, dévoile une action
organisée et résistante hors pair, qui fut honorée par Yad Vashem. La ville
comptant plusieurs Justes parmi les Nations, reconnus par les autorités
israéliennes compétentes, pour les actions courageuses en faveur de la
population juive de la région et en faveur de la résistance.
Les
premières études générales consacrées à ce sujet sont, sans conteste, celles de
Serge et Béate Klarsfeld. Elles furent suivies, pour les recherches les plus
récentes, par les dossiers publiés dans la revue « Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région », notamment par les articles rédigés
par Geneviève Bauchard « Le journal de l’exode de Jules Lanoë »[1]. Alexis Neviaski, dans son article intitulé « Un
couvent et des religieux en guerre, le couvent des Carmes d’Avon (1939-1945) »[2] expose les actes du père Jacques, directeur du
Petit-Collège d’Avon, et des prêtres du couvent qui cachèrent plusieurs enfants
juifs, employèrent comme professeurs des instituteurs soumis au port de
l’étoile jaune et prodiguèrent leur soutien aux réfractaires du S.T.O. Les
actes de résistance de ce couvent des Carmes ont été rapportés par l’entreprise
cinématographique française dans un film signé de Louis Malle, ancien élève au
Petit-Collège d’Avon, témoin de l’entrée de la Gestapo dans le corps du
bâtiment à la recherche des enfants cachés conduits en déportation par les
forces nazies. Cet article est complété par la recherche de Maryvonne
Braunschweig, décrivant la ville d’Avon au temps de la persécution[3]. La libération de Fontainebleau-Avon est analysée par
Jean-Claude Polton, Docteur en histoire et secrétaire général des Amis de la
Forêt de Fontainebleau[4]. Ainsi, en 2014, 20 pages d’une revue d’histoire sont
entièrement réservées aux persécutions nazies, aux nombreux Justes parmi les
Nations de la Ville d’Avon et aux mouvements de la résistance de la région
Fontainebleau-Avon.
L’ancienneté
et la loyauté de la présence Juive dans cette région est exposée par Frédéric
Viey dans un article intitulé « Des soldats Juifs à Fontainebleau durant la
Grande Guerre »[5]. Cet auteur publie par ailleurs différentes
recherches sur la population juive de la région depuis 1991[6][7][8] : Fontainebleau-Avon,
Journal d’une communauté juive de la révolution à nos jours, suivie par Histoire des Juifs en Seine-et-Marne en
2005, puis par Le livre mémorial des
Juifs de Seine et Marne, durant la seconde Guerre Mondiale 1940-1945 en 2008.
Fréderic Viey est également l’auteur d’un article sur le sujet « Les héros
d’Avon », publié sur le site web de Judaïques
Culture, le 28 Avril 2013. Son
article vient compléter celui de B. Pamart, « Ils ont fait l’honneur d’Avon,
Rémy Dumoncel», paru dans le Bulletin
Municipal, 42, en octobre 2007.
Les
Archives de la Ville de Fontainebleau conservent différents ouvrages sur le
sujet, comme celui du père Philippe, Carme Déchaux, Un martyr des camps, le père Jacques 1900-1945,
Paris, Tallandier, 1949. Ce livre, écris par un témoin direct, n’est plus
édité. Par contre, il est possible de trouver le document signé de Jacques
Chegaray, Un carme Héroïque, la vie du
père Jacques, Paris, nouvelle cité, 1988, et de consulter celui de
Christiane Meres, Petite vie du père
Jacques, éditions Desclée de Brouwer, 2005. Il est à noter que les
professeurs d’histoire et de littérature de la région ont conduit les écoliers
de différentes classes à réfléchir sur ce dossier de la résistance régionale et
sur les tentatives de sauvetages d’enfants juifs de leur âge par les prêtres
d’Avon. Les résultats de ces recherches ont été publiés par les élèves, dans un
document centré sur le film de Louis Malle et intitulé Les déportés d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au revoir
les enfants, carnet de fouille 60, Foyer des élèves du
Collège
d’Avon, 1988.
Un enregistrement réalisé par Michel Fresnel et Annie-Claude Elkaim, intitulé «
Les enfants du père Jacques », présente différents témoignages : ceux de
Mme Tourtebatte, sœur de Hans-Helmut Michel, caché par les prêtres d’Avon,
dénoncé et mort en déportation. Ce témoignage est complété par celui du père
Carme Victor Sion, par ceux des anciens élèves du Petit-Collège d’Avon,
François-Xavier de Sieyes et Guy de Vogüe, par celui du chef de la résistance,
Albert Ouzoulias et de l’ancien économe Jacques Mathieu. De nombreux autres
témoins, la résidante d’Avon, madame Simone Jourdain ; les rescapés du convoi
67, Monsieur Raphaël Esrail et madame Claudine Hess ; les rescapés du camp de
Güsen, messieurs Louis Deblé, Jean Gavard, et Henri Boussel viennent compléter
les informations sur l’évènement. Ce document est enrichi par des documents
d’époque tournés à Avon en 8 mm par Jean Taisne.
La
bibliothèque de l’ancien Petit-Collège d’Avon présente également différents
ouvrages sur les actes des Justes parmi les Nations au sein des Carmes, à la
période de la seconde Guerre mondiale, comme le document de Frère Philippe Hugelé, Par la croix vers la lumière, le père Jacques de Jésus (1900-1945)
textes des journées de rencontre organisées à la mémoire du Père Jacques les
9-11 juin et 22-24 septembre 1995, Paris, éditions du Cerf, 1999. Cette
étude est consolidée par la publication de 2003, signée de Michel Carrouges, Le père Jacques : « Au revoir les enfants »
publiée à Paris, aux éditions du Cerf, et par celle de 2007, signée par le
collectif de la province de Paris de l’ordre des Carmes Déchaux, Tenir Haut l’Esprit, Père Jacques de Jésus,
Toulouse, éditions du Carmel.
Ces
différentes publications ont apporté un nouvel éclairage sur les interactions
entre les mouvements chrétiens, la population juive et la résistance dans la
région. Elles ont démontré l’importance de la discussion interreligieuse, dans
ce cas juifs/chrétiens, au moment des conflits armés mettant en péril le droit
humain. Certains des témoignages traitent du rapport au divin des frères
Carmes, de l’influence de la Bible et de l’histoire juive, dans le comportement
salvateur de Justes parmi les Nations issus de cette obédience. Elles
démontrent également de l’influence d’une politique organisée autour du droit
citoyen et du devoir civique pour le sauvetage de victimes, femmes et enfants,
souvent dénoncées par des pères, des hommes chargés de famille imposant des rapports
de violence et sauvées par le courage de responsables politiques comme Remy
Dumoncel et son équipe de la Mairie d’Avon. En contrepoint les articles sur
l’occupant nazi dévoilent l’organisation rigoureuse et une morale criminelle,
excluant toute conception du divin et du respect de la liberté citoyenne chez
les agresseurs. L’éducation morale des écoliers a été suivie par les
professeurs de la région en 1988, 44 ans après les faits et l’influence des
témoignages sur la population citoyenne ont été mémorisées par la publication
de nombreux articles sur le sujet dans la revue d’histoire locale en 2014. Il
semble donc que la décision de Yad Vashem d’attribuer les titres de Justes
parmi les Nations à plusieurs des citoyens de la région et aux prêtres, comme
l’impact de l’œuvre fictionnelle basée sur les souvenirs biographiques de Louis
Malle, aient été d’une grande importance pour la sensibilisation du problème
posé par le devoir de résistance. En effet, la mairie de cette région est
réellement identifiée comme résistante et ayant développé un premier concept de
résistance administrative, mettant en place une politique humanitaire en faveur
des plus vulnérables et divergente de la politique nationale dirigée par Laval.
A
partir des années 80, le devoir citoyen envers tout civil, le respect des
droits de l’homme, le droit à la sécurité des mères, des femmes et des enfants,
quelles que soient les origines sociales, ethniques, religieuses, semble être
conforté par la reconnaissance des actes de la génération antérieure, à travers
les hommages publics, les écrits, les programmes scolaires, les œuvres
cinématographiques, biographiques ou fictionnelles et les oeuvres théâtrales.
Mais
cette reconnaissance est-elle suffisante pour maintenir dans une société contemporaine,
les valeurs défendues par la mairie d’Avon à la période définie ?
L’objectif de cette recherche est d’interroger
l’influence des valeurs éducationnelles, des valeurs de la laïcité, de celles
de la religion, sur les actes de résistance pendant la période de la
résistance. Le Juste parmi les Nations, chrétien et carme, le père Jacques se
veut avant tout un éducateur. C’est en ce nom qu’il prit la responsabilité
d’ôter du circuit de la déportation, des enfants juifs et que suite à une
dénonciation, il en a partagé le destin. Il décède à 45 ans, des suites de
déportation à Mauthausen.
Notre
étude se divise en deux points : la part laïque de la résistance, et la
part religieuse. Elle analysera l’influence du patrimoine spirituel sur les
actions de ce prêtre et de son entourage religieux. L’influence de ce que
représente pour lui, le prophète Elie, dont les Carmes assument la parole et
l’autorité biblique. Une importance est particulièrement accordée aux
différentes stratégies utilisées par les nombreux membres laïcs de la Mairie
d’Avon pour sauver les citoyens mis en danger.
Tandis que
l’ambiguïté des notions comme la puissance politique et armée sur une
population civile, les notions de devoir et d’obéissance, le droit au
renseignement par la torture, la ségrégation administrative, l’application de
lois de déportation et d’élimination seront étudiées en fonction des actions
entreprises par les représentants du pouvoir nazi, laïc, en place dans la
région et par l’action de sa gestapo et de la milice sur la population locale à
la période concernée. Une analyse des discours des représentants au pouvoir est
un enjeu clef pour comprendre le discours et l’action d’une Mairie dévouée aux
valeurs de la résistance. Les implications d’une autorité civile, s’opposant
par différentes actions à l’autorité politique en défiant le rapport de force,
sont abordées par l’étude du fonctionnement de la Mairie d’Avon à la période
concernée, complétée par celle de la police et de la gendarmerie locale, dont
certains des membres ont accomplis de nombreux actes de résistance en soutien à
la population civile.
Dans
son mémoire sur la Résistance française Paul Giniewski écrit :
«
Dans cette France ou nous étions environnés de tant de détracteurs, de
pétainistes, de délateurs, de dépisteurs de faciès juifs… j’ai découvert le
monde parallèle, sous-jacent des Justes, cette catégorie de mainteneurs, de
restaurateurs, de gardiens de l’ordre du monde à qui l’on a décerné à juste
titre, la médaille israélienne et d’autres, plus anonymes, restés ignorés qui
la méritaient aussi…Ils ont risqué leur vie en se joignant à notre combat. Les
uns savaient qui nous étions, d’autres ne le savaient pas. Les uns ont caché des
Juifs spontanément, d’autres, leur ont ouvert leur logis, ont partagé leur pain
avec eux…A un certain moment ils ont entendu l’appel d’un pasteur, d’un évêque,
d’un Gaulliste, ou d’un communiste qui les ont exhorté à se conduire en
Chrétien, en Français, en Homme et ils ont répondu à l’appel. Peu importe leur
motivation, leur couleur politique, leur religion. À cause de ces Justes, je me
suis senti moins abandonné. C’est une chose prodigieuse pour un Juif de
découvrir des non-juifs qui le défendent, prennent des risques, le risque
suprême, mettent leur vie en jeu pour nous protéger…je me suis demandé si un
non-juif peut réaliser ce que représente pour nous ce prodige »[9].
Ce
paragraphe de Giniewski démontre de l’importance pour la survie humaine, le sens
égalitaire et le bien-être social des citoyens, et pour la mise en place d’une
société harmonieuse, de l’éducation des sujets aux valeurs morales, religieuses
ou laïques impliquant des risques mais permettant de conserver la part
défensive du plus faible dans un rapport de force inégal. Car en effet, dans
cette région de Seine-et-Marne, l’histoire de 39-45 éclaire de manière limpide,
l’implication politique de l’inégalité des rapports de force sur le citoyen.
L’œuvre
cinématographique de Louis Malle s’est penché sur ce rapport de force au sein
de la société préservée des écoliers du Collège d’Avon de cette époque. Cette
œuvre conserve son impact en 2014. Les œuvres de Brecht, dont Grand peur et misère du troisième Reich,
ont traités de cette importance de l’inégalité des rapports de force sur la
population. Le théâtre, comme le cinéma, la littérature, mais aussi tout autre
support artistique, sont des outils opérationnels quant à l’expression d’une
conservation de la mémoire et d’une sensibilisation de la population. Nous
examinerons l’influence des différentes conceptions débattues à cette période
dans cette région et leurs ascendants sur les actes héroïques de certains de
ses citoyens.
2. Méthodologie
L’organisation
de cette partie s’établie en deux sections :
A –
L’analyse
systématique des critiques, articles, études des prédécesseurs et la méthode de
dépouillement systématique de toutes les informations, les références
historiques et les Archives, les notes et commentaires apportés par les
sources, permettront de confronter les conceptions des citoyens d’Avon,
résistants, Justes parmi les Nations, ou déportés avec celles des tenants du
rapport de force.
B
– Cette
recherche tente d’identifier la stratégie des différentes organisations
résistantes de la ville. Ses réussites et ses échecs. Elle se base sur
l’identité des résistants et leur mode d’action, leurs stratégies défensives
pour une bourgade de 4 480 habitants éprouvée par la répression (23 déportés)
pour avoir accompli des actions de résistance dont le sauvetage d’enfants
juifs. Cette section enquête sur les victimes, leurs caches sur le terrain,
leur périple et leur destin. Cette section se base sur les données répertoriées
et les noms déjà relevés : Les citoyens non-juifs comme Gaston Laidin, dénoncé
pour détention d'armes et déporté en mai 1944 ; Henri Mireux (déporté et mort à
Buchenwald), Gaston Sinet (déporté en 1943 et décédé à Bergen-Belsen). Gabriel
Georges (décédé en Allemagne en juillet 1944) ; le résistant Guy Borel,
fonctionnaire des postes (mort à Dachau en juillet 1944) ; René Teinturier,
instructeur militaire, qui procure des armes aux résistants et leur en
enseigner le maniement (arrêté en
juin 1943, il meurt à Mauthausen)[10]. Les résistants, en lien avec la Mairie d’Avon, comme
le Capitaine Léon Guéneau, officier de carrière, chargé à la demande du maire
Remy Dumoncel
de la responsabilité de la cantine scolaire de la ville d’Avon9,
citoyen d’Avon dès 1934,
arrêté le 3 mai 1943 aurait été, par l’intermédiaire du colonel Fournet, un des
responsables ou un agent de liaison du mouvement de résistance CLB, Ceux de
LibérationVengeance, dirigé par Lecorre (Colonel Schimpf). « Il était chargé du
recrutement, des actions de sabotage, de repérage des itinéraires ferroviaires
des troupes allemandes, de trouver des endroits favorables pour les dépôts
d’armes et de munitions, de chercher les terrains d’atterrissage… »[11].
Selon le fils de Remy
Dumoncel, Guéneau aurait été chargé de la mise en place de documents d’identité
pour les apatrides : « C’est lui qui devait alimenter en fauxpapiers la Mairie
d’Avon en échange de cartes d’alimentation. Il fut arrêté par la Gestapo chez
lui, rue Charles Meunier, à Avon. Son arrestation a posée de sérieux problèmes
à mon père et à Mathéry. Il fut déporté sous l’étiquette Nacht und Nebel, Nuit et Brouillard ». Selon
Mairie
d’Avon, qui a sauvé femmes et enfants par la mise en service des papiers
administratifs. Mathéry est arrêté le 15 janvier 1944 par la gestapo, accusé de
faire des « faux papiers ». Le père Jacques, carme, directeur du Petit-Collège
d’Avon est arrêté par la gestapo, ainsi que trois élèves du petit Collège
d’Avon, le 15 janvier 1944. Le prêtre est accusé d’avoir « caché » ces enfants.
Les enfants sont accusés d’être Juifs. Lucien Canus, chargé du ravitaillement à
la mairie d’Avon, est arrêté le 29 février 1944. Aristide Roux, adjoint au
maire d’Avon, Etienne Chalut-Natal, adjoint au maire d’Avon, Charles Ziegler,
d’origine hongroise, employé municipal et traducteur de la mairie d’Avon, sont
arrêtés le 4 mai 1944.
Remy
Dumoncel, maire d’Avon, arrêté le 4 mai 1944 à 18h 30, à la sortie du train
ParisAvon. Prévenu à Paris, de l’incarcération de ses adjoints dans la journée,
le maire d’Avon décide de les « accompagner dans leur captivité », et monte
dans le train pour Avon sachant qu’il sera arrêté à la gare. Remy Dumoncel, le
Père Jacques, Paul Mathéry font partis des Justes parmi les Nations inscrits à
Yad Vashem[13].
Sont
également comptés parmi les résistants de la ville, René François qui rejoint
les forces aériennes gaullistes en 1942, André Levasseur, éduqué par le père
Jacques des Carmes et Ouzoulias, maquisard[14]. Les Archives de Fontainebleau mentionnent également
les actions de résistance de différents religieux de la région, comme celles
accomplies par l’abbé Abalin curé de Brégy qui indique aux résistants une tombe
vide et cimentée, inutilisée au cimetière, où sont entreposés les explosifs et
les armes[15].
Les
victimes, comme les cinq citoyens d’Avon et le citoyen de Thomery, fusillés par
les nazis en mai 42 sont nommées dans La
Marseillaise de Seine-et-Marne datée du 12 octobre 1945. Un court article
mentionne Raymond Lecuyer, père de 3 enfants, Roger Bontemps, père de 5
enfants, Lucien Richard, Armand Guillot, père de 5 enfants, Robert
Vielle,
père de 7 enfants et leur camarade Maurice Courtot de Thomery, père de 3
enfants. Partis chasser en forêt, en début de printemps, dans l’espoir
d’améliorer les rations alimentaires de la trentaine de personnes qu’ils
avaient à charge, femmes et enfants, ils sont surpris par une patrouille
allemande qui ratissait le terrain suite à une délation. Condamnés à mort, ils
sont exécutés huit semaines plus tard. La femme de Robert Vielle témoigne
: « La nourriture était rare. Ils sont
partis chasser en forêt. Les Allemands ont organisé des rondes…Ils ont tiré sur
eux. Mon mari a été blessé. Un médecin, le Dr. Desclaux, est venu le soigner à
la maison. Quelques jours après, ils ont été arrêtés à leur domicile les uns
après les autres. Le jugement a eu lieu rue Royale à Fontainebleau. Ils ont été
condamnés à mort. Ils avaient trois jours pour obtenir leur grâce. Ce qui n’a
pas été respecté, car les Allemands les ont fusillés deux jours plus tard sans
attendre la réponse à la demande de grâce adressée par le maire, Mr. Remy
Dumoncel. Les six hommes ont été fusillés le 13 mai 1942 à la Glandée en forêt
de Fontainebleau »15.
Le
maire, Remy Dumoncel, fera prendre en charge par les services municipaux les
rations alimentaires des femmes et des enfants des déportés et des fusillés de
sa commune.
Les
listes d’arrivée à Drancy répertoriées par Serge et Beate Klarsfeld confirme
l’arrivée en camp de Drancy, le 21 octobre 1942, de trois personnes de
Fontainebleau-Avon : Une femme d’origine russe, née le 21 février 92, Khimia
Waisler et le couple polonais Jacob et Ita Gerstztenkorn, nés en 86 et 87 à
Varsovie. Le 21 mai 43, le couple Erligmann, Joseph né le 10 décembre 71 et
Rebecca, née Grossman en Russie le 10 janvier 75. Ils vivaient 16 rue Pasteur à
Fontainebleau-Avon. Le 16 juin 43 le couple Zilberberg rentre à Drancy. Israël
est né le 23 février en « Irean »[16] en 1902 et son épouse Denise, plus jeune de douze
ans, née
Kotler le
25 mai 1914, vivaient au 22 rue de Neuville à Fontainebleau-Avon. Tout d’abord
séquestrés à Melun, le couple Novochbleski, René dit Jacob, né dans le second
arrondissement de Paris le 27 février 91 et Hélène née Chiger dans le 4ème
arrondissement à Paris, le 13 juin 80, plus âgée que lui de 9 ans, était
également domicilié au 22 rue de Neuville à Fontainebleau. Ils arrivent à
Drancy le 29 juin 43. Les Zilberberg et les Novochbleski étaient voisins. La
famille Sephiha de Constantinople, Mayer, né en novembre 85, son épouse Fanny,
née Levy le 10 janvier 93, et leurs enfants, Claire, née le 10 août 19 à
Levallois-Perret, et Victorine-Renée, née le 27 juillet 17, dans le onzième
arrondissement de Paris, vivait au 37 rue Saint-Honoré à Fontainebleau. Ils
arrivent ensemble au camp de Drancy[17]. Il est ä noter
la famille juive d’origine grecque, Hieshan et son épouse née Chaki Léa
Levi et leurs enfants, résidents 13 bis rue du 14 Juillet[18]. Il semblerait que les victimes de la ville, soient
d’abord regroupées à Melun puis transférées à Drancy. En été 44, il n’y a plus,
sur les listes nationales de citoyens « déclaré juifs » à Fontainebleau-Avon.
Les actions des
autorités nazies et celles de la Gestapo sont analysées en fonction des
informations retranscrites par les services des Fonds B.N.F. Gallica, L’Organe régional des mouvements unis de
résistance Provence Libre 1944 ; les Rapports
de délibération Conseil Général Préfecture de Seine et Marne 1945/11, le Rapport du Directeur départemental Service
des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés. Ces archives ont mis à
disposition des informations importantes. L'étude critique se portera donc sur
l'évolution et sur l'interprétation des stratégies employées au cours de cette
période et dans cette région. L’analyse des personnages engagés dans le
conflit, les solutions proposées au problème de la répression et de la
sauvegarde citoyenne dans cette période seront au centre de l'enquête.
Conclusion
Ce travail
de recherche vient compléter un travail sur la résistance juive et non-juive
contre la répression nazie entrepris au Théâtre du Rio et présenté en tant que
spectacle en 1977 à
Grenoble. Cette recherche permettra, après avoir thésaurisé les
éléments connus, de compléter par une recherche cohérente, la perception de la
résistance de la Ville d’Avon et des Justes parmi les Nations. D'apporter un
nouvel éclairage sur la période concernée. Cette étude devrait répondre aux
questions posées par la relation interreligieuse, aux moments critiques de
l'histoire humaine, et devrait permettre de donner des réponses aux questions
que pose l'héritage conflictuel de la guerre de 39-45, responsable de 60
millions de morts en 6 ans et son sens, pour le citoyen du XXIeme
siècle.
[1] Geneviève Bauchard, « Le journal de l’exode de Jules
Lanoë », Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014,
p. 52-55.
[2] Alexis Neviaski, « Un couvent et des religieux
en guerre, le couvent des Carmes d’Avon (1939-1945) », Fontainebleau, la revue d’histoire de la ville et de sa région, n0
6, Edition Mai 2014, p. 56-66.
[3] Maryvonne Braunschweig, « Des amis des Juifs à
Avon, à la fois Justes et résistants », Fontainebleau, la revue d’histoire de
la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014, p. 62-66.
[4] Jean-Claude Polton « La Libération de
Fontainebleau », Fontainebleau, la revue
d’histoire de la ville et de sa région, n0 6, Edition Mai 2014,
p. 67-72.
[5] Frédéric Viey « Des soldats Juifs à
Fontainebleau durant la Grande Guerre », Fontainebleau,
la revue d’histoire de la ville et de sa région, n0 7, Edition
Novembre 2014, p. 22-25.
[6] Fréderic Viey, Histoire des Juifs en Seine-et-Marne, Lys éditions Amatteis, Le Mée
sur Seine, 2005.
[7] . Fréderic Viey, Fontainebleau-Avon, Journal d’une communauté
juive de la révolution à nos jours, Éditions Les Fougères, Avon, 1991.
[8] . Fréderic Viey, Le livre mémorial des Juifs de Seine et Marne, durant la seconde Guerre
Mondiale 1940-1945, Éditions Conseil des Communautés Juives de
Seine-et-Marne sous la direction de Charles Goldstein et Éditions La
Plume et l’Écran, 2008.
[9] Paul Giniweski, Une résistance Juive, Grenoble 1943-1945, Éditions
Cheminements, 2009, p. 261-262.
[10] Sources : dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004. 9 Ibid.
[11] Les déportés d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au
revoir les enfants, carnet de fouille 60, Foyer des
élèves du Collège d’Avon, 1988.
[12] Ibid., p. 89 ; p. 121.
[13] « Ce titre de « Juste parmi les nations » (חסיד
אומות העולם)
expression du Talmud (traité Baba Batra, 15 b) est créée en 1953 par la Knesset, en même temps qu’elle créait le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem consacré aux
victimes de la Shoah, afin d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en
danger pour sauver des Juifs ». Le titre de Juste est décerné au nom de l’État d’Israël par le
mémorial de Yad Vashem. Au 1er janvier 2012, 24 355 Justes parmi les nations de
46 pays ont été honorés. Il s’agit actuellement de la plus haute distinction
honorifique délivrée par l'État d'Israël à des civils » (cf., « Justes parmi les Nations », Wikipédia).
[14] Sources : dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, AERI,
2004.
[15] Le comité A.N.A.C.R., « Nouvelles complicités
patriotiques », Les cahiers de la
résistance Seine-et-Marnaise, n0 4, lieu de mémoire en forêt de
Fontainebleau, n. F.L. 940.54 SEI, P.11. 15 Ibid.
[16] Le document orthographie de cette
manière le lieu d’origine. Faut-il comprendre en Iran ?
[17] Source Serge Klarsfeld. p. 85.
[18] Les déportés
d’Avon, enquête autour du film de Louis Malle, Au revoir les enfants, carnet de
fouille 60, Foyer des élèves du Collège d’Avon,
19883, p. 39.
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