mardi 20 mars 2012

FESTIVAL DU CINEMA FRANÇAIS A JERUSALEM

FESTIVAL DU CINEMA FRANÇAIS A JERUSALEM
Shoshana Saskia Cohen Tanugi

Du 18 au 31 Mars la cinémathèque de Jérusalem 11 Rue Hevron, reçoit 20 nouveaux films français en coopération avec l'Ambassade de France, l'Institut Français Romain Gary, TV5 Monde UniFrance, Citroen, Eden Cinema. L'invitée de cette 9eme Edition du Cinéma Français à Jérusalem est Charlotte Rampling - interprète de Lemming, d'Embrassez qui vous voulez, de Sous le Sable. L'interprète franco-britannique est le sujet central de The Look. La cinémathèque propose un choix de films français où les réalisateurs sont des femmes et certaines de jeunes actrices passées aux commandes de la caméra comme Maiwenn, avec Polisse, Mélanie Laurent avec Les Adoptés, Malgozata Szumowska, avec Elles, Valérie Donzelli avec Déclaration de Guerre, Marjane Satrapi avec Poulet aux prunes, Angelina Maccarone avec The Look. Le cinéma français en ce début du XXIe siècle présente un nouveau regard sur la femme. Sa beauté se met au service de ses émotions, de son intelligence, de sa perception du monde, et n'est plus soumise à une école cinématographique qui la traitait comme un instrument du désir et un objet d'étude pour la curiosité masculine. Le fait que des actrices prennent les commandes des scénarios et de la caméra, influence la relation entre le texte et l'image. Cette sélection peut apporter beaucoup au cinéma Israélien. Un film comme Donoma donne l'exemple d'une réalisation conduite sans budget de production. En souhaitant que la réalisation de ce film ait respecté les codes d'éthique, d'honneur et les droits. Beaucoup de ces œuvres ont été nominées et récompensées dans les festivals de cinéma. Les Intouchables a rencontré un très grand succès depuis sa sortie.  Les films de réalisateurs masculins déploient aussi une nouvelle perception de la relation entre hommes et femmes.  Dans l'Art d'aimer à Embrassez qui vous voulez, de Toutes nos Enviez à peut être même Poupoupidou, les actrices ont acquis à travers ces scénarios des rôles où elles peuvent interpréter une palette basée sur des émotions – du désarroi à l'humour - plus lisibles pour une nouvelle génération de femmes.  Mais la question de l'éthique et de la morale des sujets, les questions de la présentation d'œuvres capables d'apporter un enseignement et une culture plus littéraire, plus historique, plus encyclopédique à partir d'œuvres oniriques restent entières.
                                                                       
LES INTOUCHABLES de ERIC TOLEDANO et OLIVIER NACKACHE
Le 18 03 2012  à   21:00
Sorti en 2011, le film a été réalisé à partir du livre Le Second Souffle de Philippe Pozzo di Borgo. François Cluzet y interprète le rôle de l'auteur du roman, un homme d'affaires cultivé devenu tétraplégique en 1993 après un accident de sport aérien. L'état d'esprit, l'humour, le dévouement, la force indestructible de son aide soignant Abdel Yasmin Sellou, le sauvent.  Omar Shy reçoit le César du meilleur acteur 2012 pour son interprétation de l'aide soignant. Le film, par ses nombreuses qualités narratives est un succès public et critique.

LES HOMMES LIBRES d ISMAEL FERROUKHI
19 03 2012 18:00
Ismael Ferroukhi, réalise son dernier film à partir d'une enquête historique sur la communauté musulmane à Paris pendant la seconde guerre mondiale. Le recteur de la mosquée de Paris soupçonné d'avoir fourni des papiers aux Juifs et aux résistants est placé sur ordre de la police, sous la surveillance de Younès, un jeune Algérien.  Porté par son admiration pour le chanteur Salim - Juif caché qui se dit musulman pour éviter la déportation - Younès abandonne sa mission. Amitié et respect mutuel naissent entre les deux hommes. Pinhas Cohen est la voix de Salim. A partir des relations entre Islam et Judaisme sous le regard de Vichy, la caméra de Jérôme Alméras explore la solidarité qui peut naître entre hommes au moment du danger.

POLISSE DE MAIWENN
20 03 2012 21:45
La jeune actrice Maiwenn qui lie dans son regard sur le monde, tendresse et rébellion, est la réalisatrice du dernier film français sur la brigade des mineurs. Elle propose une vision personnelle sur la police française à partir d'une enquête cinématographique sur les traumatismes de l'enfance. Le travail de la réalisatrice met à l'épreuve un certain réalisme cinématographique.

L ORDRE ET LA MORALE DE MATHIEU KASSOVITZ
21 03 2012 21:00
Mathieu Kassovitz mettra près de 7 ans pour réaliser un film sur le traumatisme grave que fut la prise d'otages et ses conséquences à Ouvéa en Nouvelle Calédonie en 88. Il veut reconstituer les moments de l'événement tragique et comprendre les erreurs du rouage politique à Paris, les causes du conflit régional entre loyalistes et indépendantistes qui ont eu comme conséquence la tragédie d'Ouvéa.  Les positions des responsables sont présentées dans ce film pour permettre une réflexion de ce que devrait être l'éthique en période de conflit armé.

POULET AUX PRUNES DE MARJANE SATRAPI ET VINCENT PARRONAUD
21 03 2012 19:00
La talentueuse réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi de Persépolis et le réalisateur Parronaud se sont servi d'une bande dessinée comme base de leur scénario confié à des actrices remarquables: Chiara Mastroianni, Isabella Rossellini, Maria de Meideros, Enna Balland, Rona Hartner... A partir d'une simple métaphore - un musicien meurt de voir son instrument à corde brisé  – les deux réalisateurs conçoivent un film en flashbacks sur la mémoire dans une lumière de Christophe Beaucarne.

L ART D AIMER D'EMMANUEL MOURET
23 03 2012 14:00
Emmanuel Mouret a voulu présenter dans un langage classique, un film traité en sketches. Une sorte de manuel cinématographique sur les relations humaines entre hommes et femmes. Différents couples sont étudiés au moment où naît cette émotion particulière quand on croise les yeux d'un autre, et qu'ils sont plein d'amour.  Les personnages sont attentionnés, jaloux ou indulgents, pour une comédie légère, interprétée par des acteurs de qualité et d'humour, tels Julie Depardieu, François Cluzet, Ariane Ascaride…

LEMMING DE DOMINIK MOLL
24 03 2012 17:00
Charlotte Gainsbourg, Charlotte Rampling, André Dussollier, Jacques Bonnaffé, Laurent Lucas sont réunis pour interpréter un suspens psychologique. Moll s'intéresse à révéler le trouble, le fantastique, le mystère et à l'angoisse.

LES ADOPTES  DE MELANIE LAURENT
24 03 2012 19:30
Trois femmes, Lisa, jeune mère d'un petit garçon, sa sœur adoptive et leur mère vivent dans un univers feutré, protégées des relations masculines jusqu'à ce que qu'arrive le soupirant de la sœur adoptive. L'actrice qui réalise le film est sensible, délicate. Elle fait partie des jeunes actrices de la génération française qui décident de se passer du regard des réalisateurs pour raconter elles-mêmes les fables qu'elles interprètent. C'est une des nouvelles voies que prend le cinéma français au début du XXIe siècle.

ELLES DE MALGORZATA SZUMOWSKA
24 03 2012 21:00
La réalisatrice née à Cracovie en 73 décrit à travers les yeux d'une journaliste (interprétée par Juliette Binoche) engagée par le magazine Elle, la vie perturbée de jeunes étudiantes parisiennes tombées dans la prostitution pour payer leurs études.


DECLARATION DE GUERRE DE VALERIE DONZELLI
25 03 2012 21:30
Actrice et réalisatrice Valérie Donzelli crée avec son compagnon Jérémie Elkaim une œuvre cinématographique entre autobiographie et fiction narrative. La déclaration de guerre raconte le combat que mène un jeune couple pour sauver leur enfant atteint dès l'âge de 18 mois d'un cancer. Valérie Donzelli s'est tournée vers les institutions médicales qui ont soigné son propre enfant. Elle dévoile les émotions les plus intimes face à la maladie d'un être cher.


POUPOUPIDOU DE GERARD HUSTACHE MATHIEU
26 03 2012 21:30
Gerard Hustache Mathieu et Juliette Sales écrivent un polard où la voix off à son rôle.
Dans les neiges du Jura, un auteur de polard parisien (Jean Paul Rouve) mène l'enquête sur le suicide de l'égérie locale d'une marque de produit laitier. L'auteur de polard parvient à fouiller l'appartement, à retrouver le journal et à découvrir certains indices qui ne sont pas sans rappeler le suicide de Marilyn Monroe. La femme, sa fragilité et sa beauté sont au centre de ce polard.                                                                                                            

THE LOOK D'ANGELINA MACCARONE
27 03 2012 21:15
Charlotte Rampling, secrète, gracile, sensible, émouvante dont la beauté a inspiré Visconti est le sujet de l'œuvre d'Angelina Maccarone.  C'est un portrait de l'actrice britannique que présente la réalisatrice.

EMBRASSEZ QUI VOUS VOUDREZ DE MICHEL BLANC
28 03 2012 21:30
L'acteur réalisateur Michel Blanc s'entoure d'acteurs comme Charlotte Rampling, Karine Viard, Denis Podalydès, Carole Bouquet, Jacques Dutronc, Clotilde Coureau, Mélanie Laurent, pour son adaptation cinématographique du roman britannique Vacances Anglaises.  Plusieurs nominations et un César ont récompensé le film de Blanc sur ses vacances à la françaises.                                                                                                        ,

TOUTES NOS ENVIES DE PHILIPPE LIORET
28 03 2012 19:00
Vincente Lindon, Marie Gellain( Nominée pour le César de la meilleure actrice) Amandine Dewasmes, Laure Duthilleul… entourent Philippe Lioret qui examine avec sa caméra le problème du surendettement bancaire à travers le regard d'une jeune juge d'instruction. Philippe Lioret utilise sa caméra pour faire entendre le désarroi.

UNE NUIT DE PHILIPPE LEFEBVRE
29 03 2012 19:00
Philippe Lefebvre tourne un polard sur Paris, la nuit à travers les yeux d'un commandant de la brigade mondaine. Un polard construit et bien interprété, tourné dans une lumière sobre.

DONOMA DE DJINN CARRENARD
30 03 2012 14:00
Un collectif d'artistes a débuté la production de ce film qui a été récompensé par le Prix Louis Delluc 2011, et présenté au festival de Cannes. Djinn Carrenard combatif, tourne même sans production, monte des systèmes pour dépasser les obstacles, emploie les acteurs à la régie, utilise des lieux de tournage prêtés. L'obstination remplace les moyens.

SOUS LE SABLE DE FOZON
30 03 2012 17:00
Charlotte Rampling interprète le désarroi d'une femme qui attend le retour de son mari disparu en mer. L'image et la lumière confirme une grande maîtrise des règles esthétiques.


SOURCES :
CINEMATHEQUE DE JERUSALEM
11 Hebron St.
www.jer-cin.org.il/ website/modules/films/program
Réservation : Tel 02 56 54 356 / 02 565 43 30 / 02 565 43 33

CENTRE CULTUREL FRANÇAIS ROMAIN GARY
9 Kikar Safran 94 141 Jerusalem
Réservation : 02 624 31 56

vendredi 9 mars 2012

SASKIA COHEN TANUGI: LES DEUX JEUNES FILLES DE NETANYA CONTE POUR ENFAN...

SASKIA COHEN TANUGI: LES DEUX JEUNES FILLES DE NETANYA CONTE POUR ENFAN...: Tout ce qui va suivre, est une   histoire qui ressemble à une histoire vraie. Oui, nous existons, nous sommes dans la ville et si vous trave...

LES DEUX JEUNES FILLES DE NETANYA CONTE POUR ENFANTS EXTRAITS SCT

Tout ce qui va suivre, est une  histoire qui ressemble à une histoire vraie. Oui, nous existons, nous sommes dans la ville et si vous traversez la rue centrale, la plus belle du monde, la rue Herzl de Netanya, alors vous nous croiserez certainement. Passants, souriez  au moins à la jeune fille qui passe.  Elle est comme moi,  avec ses talons dorés et ses chapeaux colorés, elle n’attend qu’un bonjour amical, un appel de la vie pour continuer à marcher sous le soleil malgré les attentats, le manque d’argent et les peurs parfois. Moi, je m’appelle Liya et j’ai 15 ans. J’aime les bonbons achetés au kikar hatsmahout, j’aime les croissants du marché, les robes de Honigame, les pulls de chez Castrala et les jeans de chez fox-trot,  la prof de pensée juive de mon lycée Bar Ilan,  la morah vardit - c’est la plus belle femme du monde après ma mère -  la morah Ricky Shuks, c’est la plus gentille prof de la terre et j’aime le vendeur de journaux sur sa bicyclette qui a toujours un journal mickey pour moi.
On est sacrément heureux quand on a 15 ans et qu’on vit à Netanya!

Connaissez-vous Netanya? C’est une des plus jolies villes d’Israël. Elle est allongée sur la mer  en une ligne  joyeuse de maisons blanches et d’immeubles élégants.  Tous plus charmants les uns que les autres. Ma mère appelle la ville : « Le bouquet de la mariée » - je lui demande « pourquoi »  Elle me répond  en dessinant à la craie sur la porte de bois bleue de la cuisine, un plan de la ville : «  là, c’est la rue Narkis, là, la rue Myosotis, là,  ‘’‘la via Iris plus loin la rue des citroniers… Cette avenue là, Weissman, ressemble au ruban qui lie les fleurs les unes aux autres  et celle-ci, Even Gevirol, plus éloignée du centre, c’est le parfum des fleurs qui accompagne la ville… » comme le dessin sobre de la ville, architecturé avec  grâce et tendresse autour des petites allées  parsemées de fleurs et d’arbres méditerranéens est resté sur la porte plusieurs semaines, j’ai ajouté une étoile rouge à la craie, là où il s’était passé quelque chose d’épatant avec les copains.
La ville, moi je l’aime. J’aime  le parfum  du jasmin  qui rivalise avec  celui des fraisiers.  Le thym et les buissons de fleurs jaunes au-dessus de l’air iodé de la promenade. Les frangipaniers côtoient des flamboyants et un petit théâtre de verdure est ouvert à la lune, le soir, face aux ressacs, près du restaurant Tulip, on se retrouve pour manger une glace de chez Tito.  Des femmes religieuses, cheveux couverts  viennent faire jouer leurs petits près de nous. Doudou joue de la guitare et nous on chante les airs de Ninette, la plus mignonne.  Nous, on vient s’asseoir auprès des chats gros comme des sculptures égyptiennes. Les amoureux se croisent, les russes échangent des parties d’échec et les éthiopiennes viennent rire en goûtant des biscuits. Des éthiopiennes, il y en a quatre dans ma classe et elles sont toutes très belles. Elles sont courageuses aussi, et Houhorit est la meilleure en thora. Elle sait toute la torah par cœur, elle n’a pas la télé et elle apprend chaque jour une page avant de s’endormir. Elle dit que ça éloigne les douleurs. Moi je crois que ça lui donne de l’espoir : C’est sa Hatikva à elle. Lire le Livre. Elle est un arbre: Elle trouve toujours une feuille pleine de mot dans ses branches pour consoler nos douleurs. Elle a une phrase apprise par cœur qu’elle transmet comme conseil dans le moment de douleur : « toutes les lettres et tous les mots des prières sont des précieux bouquets de fleurs, cueillis dans les champs surnaturels. Et tu dois t’avancer pour en cueillir d’avantage. » Elle est un arbre d’Israël fort et intègre qui sait ce qu’il veut et qui a sa place sur cette terre. Lélya, la prof d’anglais venue de France - on l’adore, la prof Lélya -elle était une grande chanteuse d’opéra, mais une histoire d’amour lui a brisé le cœur alors elle a tout quitté, elle s’est tournée vers les dames de la synagogue et est venue vivre à Netanya chez une cousine dans la rue du rav kook, non loin du kikar hatsamout.  Elle dit toujours que le prochain président d’Israël sera éthiopien et qu’il sera une femme. Elle dit que ça fera partie de l’histoire d’Israël, de la Reine de Saba, au Roi Salomon, de Moshé à sa femme, Tsipora et que si l’on veut un troisième temple il faut commencer à le bâtir avec nos âmes et notre bonté.  Comme prof d’anglais elle nous fait toujours la leçon sur la meilleure manière de bâtir le Temple.  Quand il pleuvait des kassam à Sdérot elle est partie y passer tous ses shabbats, elle a fait ses courses là-bas et elle est restée jusqu’à la sortie de shabbat. La ville était propre, impeccable, les gens continuaient à vivre comme d’habitude. Elle racontait que dans la ville  il y a un jardin d’enfant  et qu’au-dessus, pour le protéger des kassams, ils ont construit un hangar de tank, avec un toit énorme de béton énorme.  Elle dit que  ça prend une heure  le voyage de Netanya à Sdérot et qu’il y a beaucoup de copains qui seraient heureux d’être ici avec nous ;  qu’il suffit de les inviter et qu’ils passeront  le shabbat à la maison : Elle est rentrée comme prof au collège des filles à cause de son histoire d’amour ratée et on la croise parfois dans les couloirs, un mouchoir sous le nez, les yeux rouges a pleurer ses grands amours perdus. Y en a qui disent qu’elle les a vécu dans les livres.  Les cheveux cachés sous ses chapeaux de feutrine brune «  qui ont été dessiné pour Catharina Hepburn » c’est ce qu’elle dit toujours. Mais la prof Lelya, elle en démord pas de l’Ethiopie. Elle dit qu’on a un travail entre nous tous à faire, pour que l’on s’accepte les uns les autres, parce que un monde meilleur, ça ne s’attrape pas comme du nougat.  C’est ce qu’elle dit la prof Lelya.

Il faut savoir que dans les villes, il y a des joueurs de cartes, des joueurs de dominos, des joueurs d’échec et des joueurs de vie. Ils jouent notre histoire et nous survivons au-dessus d’eux, comme les oiseaux blancs dans le ciel -  les albatros - ou comme les aigrettes fines, dont les pattes aristocratiques dansent sur le bord de la plage de Netanya.


Netanya, c’est la ville de la mer, du soleil des fleurs et des oiseaux. Au souk de la ville, entre les allées des fruits rouges et les légumes odorants, il y a des vols d’hirondelles et suivant les saisons, on voit une cygogne se prendre dans les fils des vendeurs de gâteaux sucrés. C’est la ville où l’on parle italien, anglais, français, hébreu, arabe, russe, éthiopien, Yiddish et avec les mains,  moi j’arrive même à parler avec les pieds. Mais c’est quand je vais très bien. Il y a besoin d’argent ici, d’argent pour manger, pour s’habiller, pour les livres et vivre, comment payer les maisons, l’électricité, le gaz, l’arnona ? Maman ne gagne pas beaucoup. Et parfois, papa ne ramène rien. Il y a des jours où on mange des pommes de terre, toute la famille, le plat. La prof d’histoire de l’art, Tsili dit que c’est comme Van Gogh. Il y a un tableau de Van Gogh où toute la famille est réunie autour d’un plat de pomme de terre. Il y a toujours des problèmes d’argent. «  C’est la poisse, l’argent » dit mon  frère. Mon frère s’appelle Narshon. Ma mère l’a appelé comme ça parce qu’il est venu au monde
le premier et qu’il était déterminé, « comme Narshon a traverser la mer rouge en entraînant à sa suite les hébreux vers le Sinai, pour recevoir la torah. »  Narshon fait du surf sur la plage Sironi ; Il a travaillé à la voie lactée pendant huit mois pour se payer la planche, la tenue et les cours. Il n’a fait que ça et avec l’ordinateur, il étudie les sciences de l’informatique.  Il a quitté la yéshiva1 de Jérusalem où il étudiait après l’armée. L’armée, il l’a fait dans les Golani.  Il était à Gaza la plupart du temps, sinon, basé sur le plateau du Golan. Il était religieux, maintenant, il ne l’est plus. Il dit qu’à l’armée, il a ses meilleurs amis, c’est là qu’il a rencontré Asher : Asher habitait à Poleg, à Netanya, ils n’étaient pas dans le même lycée.  Asher est sportif. Asher court tous les jours huit à dix kilomètres en bord de mer.
Asher pense que rester dans la même ville, la même rue, le même pays rend gras et stupide, il est parti en Inde, puis en Australie et ensuite, il s’est engagé dans greenpeace. Il est allé jusque dans l’antarctique.  Là bas, il a rejoint un groupe qui creusait sous la glace.  Ils ont découvert un lac. Il m’a raconté que la glace était bleue, d’un bleue si  intense que la véritable  beauté du blanc, c’est en fait, la couleur bleue turquoise qui se cache dans la glace, comme l’étoile bleue sur le drapeau d’Israel. Il m’a raconté, blanc et bleu turquoise dans le cœur.
Asher parle comme ça tout le temps, d’espions, d’armes hyper-sophistiquées, il dit : « Les plus beaux films sont ceux qu’on écrit jamais »
Je lui ai demandé : « alors comment on sait que ce sont les plus beaux ? »
Il m’a répondu : « parce qu’on les garde dans sa tête et qu’on les oublie et quand on oublie, c’est qu’on en sait assez. On n’ en a plus besoin. »
Mais un jour Asher a reçu une carte d’Australie où il y avait écris dessus :
« Je voulais te dire que je t’aimais et que si tu as du temps pour moi, je t’attends »
C’était signé par le nom d’une jeune fille qui travaillait avec lui sur le bateau de Greenpeace, Clara, il est parti. On a su qu’il s’était marié avec Clara, et qu’ils avaient eu 6 enfants en Nouvelle –Zélande !
Parfois je cherche un peu d’Asher  entre les pages de géostratégie sur l’encyclopédie.
Entre les sommeils endormis ; Entre les silences.
Je me souviens d’un message mail envoyé par lui à mon frère,  il y a très longtemps :  « Je sais qu’ils se sont battu contre moi, que veux-tu je faisais parti des forces d’action anti-terroristes, ça m’a épuisé,   voler ma conscience et dénaturer ma pensée…
Mais si tu es là viens me chercher
Te souviens-tu de ce qu’on appelait Chimérie
« Rappelle –toi comme on riait en disant :  Notre voisine est malade d’une maladie étrange : la chimérie. »
Mon frère a répondu :
« Une maladie des mots ça se soigne avec des mots.»
Alors Asher a écrit à mon frère :

« Depuis pour échapper à la douleur, la voisine a inventé un remède de mots, elle vit dans des chimères qu’elle raconte à haute voix. La chimère, c’est un monstre, c’est à dire quelque chose composé en plusieurs parties. C’est cela la maladie de ma voisine. C’est une pensée et une parole et des actes en plusieurs parties.  Souviens toi, Narshon : Après un attentat, le choc, le bruit, les véhicules,  la mort absurde et inattendue conduisent le cerveau à développer une chimèrie. Souviens toi des copains, atteints de chimérie après les combats au Liban » 

Je suis allée chercher dans Wikipédia, sur internet, dans les livres et les dictionnaires, le sens de chimérie et j’ai trouvé parmi toutes mes recherches que :

« La chimère est fille d’échidna, la vipère et de Typhon.  La vipère est fille de Pontos, la mer noire et de Gaia, la terre.  Elle est sœur du sphinx qui pose les questions,  sœur du chien cerbère,  de l’hydre de Lerne et de Méduse, de l’aigle qui rongea le foie de Prométhée elle est femme et serpent. Elle n’est pas belle à voir. »

La chimère s’attrape après un traumatisme de guerre, par exemple.  Mais il est bien possible que Jacob quand il s’est battu contre l’ange de son frère jumeau se soit battu contre lui-même en chimère : « si ton frère est la main et que tu es la voix alors vous êtes un : l’un par l’acte. L’autre par la pensée. »

Moi je me suis dis : « A mon frère, j’aurai donné la moitié de la bénédiction pour qu’il ne pleure pas, qu’il ne souffre pas, qu’il ne maudisse pas et que la guerre ne s’installe pas entre nous ; à quoi me sert une bénédiction qui mettrait en danger la vie de mon frère? »

«  La réparation -  le tikoun1 - du passage du fleuve Yaboc2, la nuit, serait… » a dit le rabbin un shabbat,  « …comme le tikoun - la réparation et la restitution -  de la moitié de la brakha.3 »
Moi, de cette histoire de dispute entre les frères,  j’en garde une idée amère, je ne veux pas que ça en arrive jusque là avec mon frère. La voix ou la main ? Qui être entre frère et sœur ?
-         « que ma sœur et moi, soyons ensemble la main et la voix ! » c’est ce que Narshon a répondu au rabbin: « la guitare et le chant : la main et la voix »

 Je me souviens de ce que je disais à Asher : « Une bénédiction, c’est une possibilité vers le futur, un espoir »  un espoir d’être mieux, je voudrai te revoir, Asher, je  voudrai te revoir et que tu me redonnes cette poupée de chiffon aux yeux de grand-mère, pour tenir chaud à la solitude.

La chimère s’attrape à la solitude. C’est une maladie de la parole et du mot. Une maladie du verbe et du sens. De l’image et de l’imaginaire. C’est un langage démultiplié, que l’art grec appelle à « plusieurs têtes » comme le chien Cerbère.
C’est ce que j’ai compris en lisant tous les documents que j’ai pu trouver sur les chimères.

Ma voisine aussi et pas uniquement celle d’Asher,  a une chimèrie :  La chimère à  tête de lion, emblème  de la tribu de Yéhouda4,  de la royauté, ou une tête de chèvre, c’est à dire,  puissance et force. Mais elle a la queue d’un dragon. Le dragon est la bête du passé, elle signifie peut être que dans l’être humain, il y a un temps  préhistorique qui perdure, un vieux temps d’avant l’écriture qui continue a couver en un feu interne. Une chimère c’est une pulsion, un cri entre préhistoire de ma vie et  futur sans harmonie. Un mouvement difforme.
Je me mets devant la glace et je me gribouille le visage de rouge à lèvre et de fard bleu ; je mets à l’envers le plus grand pull de mon frère et deux de ses pantalons et je fais la chimèrie : je hurle et je crie du n’importe quoi jusqu’à ce que ça explose en cris de folie « rigoli rigola la chimèrie que voilà ! »

L’attentat qui dura 6 ans et qu’on appelle la guerre, l’attentat  a fait tomber ma voisine en chimèrie.
Elle se soigne  en brûlant à mort sa chimèrie : Elle fait du sport tous les jours et elle travaille à  apporter de l’aide à tout le monde, plusieurs heures par mois, plusieurs fois par jour, après son travail à la caisse de la koupat holim5.  Mais je vais vous raconter comment mon cousin Calev a changé ma vie :
Je vais tenter de vous la raconter son histoire, le plus joliment possible.
En vous décrivant bien les paysages et les sensations de mes amis, afin que vous au moins vous n’attrapiez jamais de chimérie, parce que vous vous sentirez si bien avec mes amis que votre vie aussi sera si jolie.






4 LE  Lion : est le symbole de la royauté de la tribu de Yéhouda, d’où descend le roi David
5 Koupat holim : « caisse de maladie » service médical
 


1 TIKOUN : mot hebreu signifiant acte de réparer, une mauvaise action, le monde ou un objet…
2 YABOC : nom du fleuve au bord duquel Jacob s’est battu contre l’ange d’ Esav sont frère. Au therme de ce combat, Jacob prend le nom d’Israel.
3 BRAKHA : bénédiction en hébreu – la bénédiction que devait acquérir Esau de son père a été interceptée par son frère Jacob. Ce qui a conduit Jacob à prendre la fuite et Esau, au désespoir.



1 YESHIVA :  Mot hebreu basé sur une racine signifiant « assis »  - école religieuse où sont assis les étudiants pour étudier les livres et les textes de la loi juive.