lundi 17 août 2015

SASKIA COHEN TANUGI:    NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA  par ...

SASKIA COHEN TANUGI:    NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA   par ...:    NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA   par Dr. Sh. Saskia Cohen Tanugi Vers 2010, une des figures bibliques commençait à m’i...




   NAHSON BEN AMMINADAV DE LA TRIBU DE JUDA
  par Dr. Sh. Saskia Cohen Tanugi




Vers 2010, une des figures bibliques commençait à m’intéresser pour son courage et par sa réputation de vaillance militaire exceptionnelle, face à une situation stratégique difficile à gérer : celle d’un peuple découragé et sans arme devant affronter une armée pharaonique combative d’un côté et la barrière naturelle d’un front maritime peu accueillant, de l’autre.


            Un de ses faits de guerre n’est pas relaté directement par la Torah, mais est commenté par les Midrashim, par la tradition rabbinique et évoqué dans un Psaume.


Ce personnage figure dans la liste des descendants de Juda sortis d’Égypte. Il fait partie du recensement du premier jour, du second mois de la deuxième année après la sortie d’Égypte (Nombres 1, 1). Il a le statut de chef de sa famille paternelle (Nombre 1, 4). Frère d’Elisheva, beau-frère d’Aaron (Exode 6, 23), oncle des premiers officiants hébreux, Nadav et Avihou, Eléazar et Ithamar (Nombres 3, 2),  proche de Moïse, il se nomme Nahson, fils d’Amminadab, de la tribu de Juda (Nombre 1,7).


Deux ans après la traversée de la mer rouge, il dirige une légion composée de soixante-quatorze mille six cents hommes de plus de vingt ans, aptes à l’armée (Nombres 1, 27) sur un total de six cent trois mille cinq cent cinquante hommes aptes à l’armée (Nombres 1, 46), d’après le recensement de l’ensemble du peuple. Chaque soldat fut enregistré selon sa famille paternelle.


Dans l’organisation du campement quasi-militaire, le camp dirigé par Nahson sous la bannière de Juda est situé à l’avant des campements, à l’orient (Nombres 2, 3-4).


Nahson et ses hommes sont suivis et épaulés d’un côté, par le camp d’Issachar dirigé par Nethanel fils de Souar, et ses cinquante-quatre mille quatre cents hommes (Nombres 2, 5-6) et de l’autre, par le camp de Zabulon dirigé par Eliav fils de Hêlon, composé de cinquante-sept mille quatre cents hommes (Nombres 2, 7-8).


Nahson est le premier représentant de tribu royale à ouvrir la marche aux hébreux du côté de l’orient. Il est à la tête d’une légion organisée en un ensemble de trois tribus, dont le recensement total dénombre cent quatre-vingt-six mille quatre cents soldats (Nombres 2, 9).


Cette première marche eut lieu exactement vingt jours après le recensement : le vingtième jour du second mois de la deuxième année depuis la sortie d’Égypte (Nombres 10, 11). Elle aboutit au désert de Pâran (Nombres 10, 12).


Cette première marche fut ordonnée par la sonnerie de trompettes. Depuis cet instant, deux trompettes d’argent sonnées par les fils d’Aaron annonceront les mouvements des légions (Nombres 10, 8).


Quand une seule trompette est sonnée, les princes des 12 tribus, dont Nahson, ont ordre de se rassembler et de se rendre auprès de Moïse pour recevoir les instructions (Nombres 10, 4).


Quand une fanfare est sonnée par les fils d’Aaron, le camp dirigé par Nahson et la tribu royale de Juda encadrée de celles d’Issachar et de Zébulon, ouvrent la marche vers l’orient (Nombres 10, 5).


Dès que Moïse eut achevé de dresser le tabernacle dans le Sinaï, les 12 chefs des Hébreux vinrent déposer les mêmes offrandes au nom de leurs tribus respectives (Nombres 7, 1-2).


En tant que chef de la tribu royale, Nahson fut le premier à présenter une écuelle et un bassin d’argent remplis de farine pétrie à l’huile ; une coupe d’or pleine de parfum ; 3 taureaux, 6 béliers, 6 agneaux, 6 boucs (Nombres 7, 12-17).


Trop âgé ou décédé dans le désert, il ne figure plus parmi les chefs de tribus envoyés, à la saison des premiers raisins, inspecter Canaan (Nombres 13, 20). Il est remplacé par Caleb fils de Yefounné, dans sa fonction de chef de la tribu de Juda (Nombres 13, 6).


Si Moïse déclare ne pas être un homme de discours et « lourd de bouche » (Exode 4, 10), les chefs de la tribu de Juda sont traditionnellement de bons exemples pour les tribus. Nahson, et Caleb après lui, le prouvent: Nahson le premier, en intervenant énergiquement auprès du peuple découragé, immobilisé entre la charge de la cavalerie pharaonique et la mer, lors de la sortie d’Égypte ; Caleb, fils de la même tribu, en entravant le découragement du peuple, suite au rapport alarmiste des explorateurs sur les territoires à conquérir (Nombres 13, 25-33 ; 14, 1-10). En effet, ce rapport aurait pu conduire le peuple à lapider Moïse et Aaron (Nombres 14, 10). Seul Hochéa/Joshua fils de Nûn, de la tribu d’Ephraïm, soutient Caleb.


Nahson est une des premières références pour illustrer le comportement des membres de la tribu de Juda. Il vit parmi les esclaves de Ramsès et sort de la ville avec eux, aux côtés de sa sœur Elishéva, de son beau-frère Aaron et du frère de celui-ci, Moïse.  Rabbi Meïr mentionne son entrée courageuse dans la mer, face au peuple découragé, le Psaume 114 (2-4) la rappelle.


Il est le premier à entrer dans les flots sur l’ordre de Moïse, quand les différents chefs des 11 autres tribus se disputaient inefficacement sur la marche à suivre : Selon la tradition rabbinique, la question à cet instant décisif,  était de se rendre à la cavalerie pharaonique et de capituler, ou de combattre jusqu’à la mort, ou encore de se jeter dans les flots, ou plutôt de crier et faire entendre sa voix à Pharaon?


Les faits bibliques ne mentionnent pas exactement ces détails. L’Exode informe qu’après avoir été chassés par Pharaon, Moïse et Aaron entraînèrent les anciens esclaves depuis la ville de Ramsès jusqu’au lieu-dit « Soukkot », où campèrent près de six cent milles voyageurs sans compter les enfants, les troupeaux, les personnes et les étrangers qui les avaient suivis. Ils dînèrent tous de pain non levé, et pour les hébreux, d’agneaux grillés, interdits à la consommation par le rite égyptien (Exode 12, 37). C’était le printemps (Exode 13, 5). Le peuple quitta Soukkot pour parvenir à Etham, à l’extrémité du désert (Exode 13, 20), puis le groupe d’anciens esclaves fit marche arrière et campa devant Pi-Hariroth entre Migdal et la mer, devant Baal Tsefon, au bord de la mer (Exode 14, 2-3). Ils n’étaient pas encore organisés en légions ordonnées au son des trompettes. A l’approche de la cavalerie pharaonique, le peuple s’affola et s’en prit à Moïse : « Est-ce faute de tombeau en Égypte que tu nous as pris pour mourir dans le désert ? » (Exode 14, 11). Selon la tradition, seul Nahson entra dans la mer, respectant l’ordre de Moïse. Il représentait Juda. Le peuple le suivit. « Parle aux enfants d’Israël et qu’ils avancent. Et toi, lève ton bâton et étends ta main sur la mer et divise-la et les enfants d’Israël entreront au milieu de la mer à sec » (Exode 14, 15-16). Si ce n’est pas la voix de Nahson qui est citée, c’est l’expression de son acte pour tous les hommes présents à cet instant.


D'une manière identique, le successeur de Nahson, Caleb fils de Yéfounné de la tribu de Juda, à son retour d’exploration des territoires de Canaan, fit taire le peuple soulevé contre Moïse par le rapport alarmiste de 10 des chefs de tribus. Caleb ordonne au peuple de continuer le chemin vers Canaan, contre l’avis du miniyan[1] : « Montons, montons-y et prenons en possession, car nous en serons vainqueurs ! » (Nombres 13, 30).


Une même foi en Moïse tient Caleb et Nahson, une même loyauté envers les valeurs spirituelles de Moïse, un même sens des responsabilités de chef de tribu royale, un même sens du courage, du zèle, d’action énergique pour maintenir une cohérence collective. Nahson, comme Caleb sont deux chefs méritants de la tribu royale. Il est impossible d’être roi sans ces qualités.


Que le projet de Moïse soit juste ou qu’il ne le soit pas, n’est pas le problème de ces chefs de tribu royale dont les actions tendent à rendre cohérente, une décision spirituelle. Leur but semble être de fédérer le peuple autour d’un projet constructif qui le dépasse et cela pour les générations à venir. En abolissant la force dévastatrice du doute et de la peur, paralysant la collectivité et la décomposant dans des émeutes,  Nahson ou Caleb, par un dévouement énergique et par une action morale exemplaire, ont rendu le projet de Moïse apte à être suivi par la communauté récalcitrante, indisciplinée, têtue et découragée.


Caleb, comme Nahson avant lui, a fait du projet de Moïse, un projet spirituel lisible, apte à s’inscrire dans le réel pour la totalité du peuple au moment du doute. 


Ils font basculer la spiritualité d’une partie de la tribu de Lévi - spiritualité qui aurait pu isoler Moïse du monde - dans un monde fiable, abordable, pour un groupe majoritaire, formé de 10 tribus sur 12 décidées à la révolte, à la dissension, réfractaires à tout mouvement spirituel, à tout déplacement du groupe qui ne soit pas concrètement rétribué par de la nourriture, par de la viande et de l’eau (Exode 16, 2-3 ; Exode 17, 3)[2]- le descendant de Joseph, le chef de la tribu d’Éphraïm, Joshua qui escortera Moïse puis le remplacera à la tête spirituelle et militaire, suivait la tribu de Juda pour la sauvegarde du projet du fils de Jokebed, au moment de la sédition du peuple assoiffé et affamé.  


Comment Nahson et Caleb sont-ils parvenus à contrer la rébellion du peuple et à garantir le projet de Moïse ? Par un acte fédérateur exemplaire abolissant la crainte et l’affolement au moment opportun et par un discours unificateur contrecarrant le découragement et la sédition qui suivait inévitablement l’abattement. Ils devenaient garants de cette partie de la maison de Lévi. La maison de Juda et avec elle, la maison d’Ephraïm représentent la vigueur de l’élite, même minoritaire, ayant la faculté de contrer sans violence, les mouvements d’insurrection de la majorité, consécutifs à la peur, à l’incertitude, à l’épuisement non maîtrisés par le peuple amené au soulèvement.


Si Moïse représente un appel spirituel vers l’absolu, Caleb comme Nahson le coordonnent et représentent le pouvoir temporel apte à rendre viable un projet spirituel malgré l’accablement collectif.


 En cela, Nahson et Caleb sont les dignes représentants de la royauté tribale; pour les Hébreux, ils personnifient la royauté de Juda conservant la lumière traditionnelle, malgré l’épreuve de la période d’esclavage et celle de la sortie d’Égypte.




Michelangelo propose une représentation de Nahson fils d’Amminadav, sur le plafond de la Sixtine. Il l’associe à une femme au miroir.


 




[1] Ensemble de 10 hommes âgés de plus de 13 ans, aptes à rendre collective la prière et à prendre une décision.
[2] Exode 14, 11 «  Et ils dirent  à Moïse Est-ce faute de tombeaux en Égypte que tu nous as pris pour mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous tirant d’Égypte ? N’est-ce pas la chose que nous t’avions dite en Égypte, laisse-nous et servons les Égyptiens ? »
 Exode 16, 2-3 : «  Toute la communauté des enfants d’Israël murmura contre Moïse et Aaron, dans le désert : les enfants d’Israël dirent : «  Que ne sommes-nous morts dans la main du Seigneur, dans le pays d’Égypte, assis près des marmites de viande et mangeant du pain à satiété car vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir tout ce peuple de faim ».
Nombres 14, 2 : Et toute la communauté dit : « Que ne sommes-nus morts dans le pays d’Égypte, ou que ne mourrons-nous dans le désert ! Et pourquoi l’Éternel nous mène-t-il dans ce pays-là, pour y périr parle glaive, nos femmes et nos enfants s’y faire enlever ? Certes il vaut mieux pour nous retourner en Égypte ».