mercredi 29 mai 2013

HERODE AU MUSEE DE JERUSALEM par Shoshana Saskia COHEN TANUGI

Jusqu'au 5 Octobre 2013, le Musée de Jérusalem propose la première exposition mondiale sur l'héritage culturel d'Hérode le Grand (73-4 B.C.). Cette exposition est d'une importance capitale. Elle apporte un éclairage nouveau sur les relations entre Rome et la Judée sous le règne d'Auguste (63 B.C. -14 ap. J.C.) Nicolas de Damas, secrétaire d'Hérode le Grand et Flavius Joseph, auteur des Antiquités Juives, semblent avoir été les plus anciens historiographes du roi. Les écrits de Flavius Joseph ont été consultés par le Pr. Netzer (1934-2010) du Département d'Archéologie de l'Université Hébraïque de Jérusalem pour mener les campagnes de fouilles. Pendant près de trente années le Pr. Netzer a dédié sa vie à la recherche des traces du roi bâtisseur. Menant plusieurs campagnes de fouilles au palais d'hiver de Jéricho, à Massada et au palais-forteresse de l'Hérodion, il mit à jour non loin du théâtre, la tombe d'Hérode orientée dans la direction de Jérusalem.

L'EXPOSITION

Les commissaires D. Mevorah et Dr. S. Rozenberg ont sélectionné plus de 250 objets pour illustrer la politique du roi de Judée. Les sarcophages de la famille royale, les vasques de marbre, les fragments de chapiteaux ornant les parvis du Temple, les fresques restaurées de l'Hérodion mettent en valeur le lien entretenu entre la conception architecturale de Rome sous Auguste et celle perpétrée en Judée par Hérode, son contemporain.
Ami, et roi-client des empereurs romains ( de Marc-Antoine jusqu'en 30 B.C.[i] puis d'Auguste ) – Hérode sut conserver sa part spirituelle au Peuple de Judée en  restaurant le Temple de Jérusalem, tout en enrichissant son royaume de nouvelles villes issues de la logistique et de la technologie, art de la construction romaine. Au premier siècle avant notre ère, le fils adoptif de César, Octave, devient le premier empereur romain dont l'idéal fut de faire d'une cité de briques, une ville de paix "de marbre". ''J'ai trouvé une ville de briques, j'ai fait de Rome, une ville de marbre.''  L'idéal d'une cité de paix, stable, sereine, capable de survivre aux différentes agressions fut partagé par Hérode le Grand. Cet idéal est confirmé par les fouilles de Jérusalem, Jéricho,  Massada,  Caesaria, et à l'Hérodion… La marque de Vitruve[ii] y est présente. Vitruve est l'auteur du premier traité d'architecture de l'histoire. Son traité fut étudié par Léonard de Vinci.  L'homme est au centre de toute construction. Il est possible que les disciples de Vitruve, proche d'Auguste et d'Hérode, aient influencés la construction du Temple de Jérusalem, où qu'ils aient même participé aux plans. Vitruve construisait des ouvrages publics de différentes sortes pour Rome et pour les provinces de l'Empire dont la Judée faisait partie. Il construisait des ouvrages en rapport avec la défense : des remparts, des tours, des places fortes, armes, des forteresses, des structures défensives. Il construisait également des Temples. Et des ouvrages en rapport avec la commodité publique : des villes, des théâtres, des systèmes d'irrigation, des aqueducs, des bains publics, des piscines, des promenoirs. Son travail était basé sur le choix des meilleurs matériaux, sur la formation la meilleure pour les ouvriers – Lui-même ou ses disciples  ont pu former les Cohen qui construisirent le Saint des Saints. Sa conception esthétique faisait la part égale à l'élégance des formes, à la justesse de proportions et à l'humilité par les choix les plus judicieux des matériaux. Il voulait l'architecture comme  art de la sainteté au service du peuple et de son gouvernement.

CONSTRUCTIONS D'HERODE

LE TEMPLE DE JERUSALEM
La restauration du second Temple est rapportée par Flavius Josèphe : Hérode le Grand entreprend de reconstruire le Temple de Jérusalem la dix-huitième année de son règne. Il convoque le Peuple et dit :" Notre Temple a été élevé par nos Pères à leurs retours de Babylone, mais il lui manque une hauteur de soixante coudées pour atteindre les dimensions qu'avait le premier Temple bâti par Salomon. Les dimensions du Temple furent imposées par Cyrus et Darius fils d'Hydaspe. Mais aujourd'hui que nous avons paix, richesse, revenus considérables et que les Romains, maîtres du monde, nous témoignent de l'amitié, je veux réparer les négligences que nous imposaient la servitude…" (Flavius Josèphe : Antiquités Juives, Livre 17 : 385)  Le Peuple refusa. Hérode dû promettre de ne démolir les anciennes fondations qu'à partir du moment où seront réunis 10 000 ouvriers. Pour la construction du Saint des Saints, il enrôla 1000 Cohen à qui furent enseigné maçonnerie et charpenterie.

La nef centrale fut reconstruite en pierres blanches. Le plafond de la nef fut enrichi de sculptures de bois. Le mur d'enceinte avait quatre portes. Il fut orné de colonnes si larges qu'il fallait trois hommes les bras tendus pour en faire le tour. Elles étaient placées sur quatre rands surmontées de chapiteaux de style corinthien. Le roi participa lui-même aux travaux de construction des portiques et des parvis extérieurs. Seuls, les Cohen érigèrent le Saint des Saints. Le roi fit creuser des passages souterrains conduisant de la tour Antonia aux enceintes. Le Temple de Jérusalem fut achevé en huit ans et son inauguration eut lieu le jour anniversaire de l'intronisation du roi.

HERODIUM / HERODION

Sur un monticule en forme d'ancien cratère, au sud de Beit-Lehem, Hérode fit construire entre les années 23 et 15 B.C, un palais-forteresse protégé par des tours massives de 18 mètres de diamètre et par un double mur de près de 26 mètres de haut séparé par une coursive de 2, 60 mètres. Le palais situé dans la partie haute est agrémenté par différentes citernes et passages souterrains et par un système complexe de réserves d'eau, de piscines et d'aqueducs permettant d'arroser les jardins qui entouraient un second palais localisé dans la partie basse. Le second palais de l'Hérodion possède un théâtre d'environ 500 places dont la loge royale a été découverte par le Pr. Netzer en 2010.  C'est en partant des écrits de Flavius Josèphe, que le Pr. d'archéologie de l'Université Hébraïque a pu localiser le mausolée du roi. L'ensemble de l'Hérodion se présente donc comme une cité-état divisée en deux parties rendues indépendantes par un système de réserves d'eau, augmentées d'un centre culturel, défendues par une puissante structure architecturale.  

Sources :
Flavius Josephe Antiquités Juives Livre xvii
Herodium National Park

HEROD THE GREAT
Musée de Jérusalem
jusqu'au 5 Oct. 2013
tel : 02 6708811

ZWEIG PAR SHOSHANA SASKIA COHEN TANUGI

STEPHAN ZWEIG par SHOSHANA SASKIA COHEN TANUGI

Auteur, dramaturge, nouvelliste, Stéphan Zweig est né en Autriche-Hongrie dans une famille non pratiquante, en novembre 1881. Stéphan Zweig n'a jamais renié l'importance de la tradition Juive. Il fut peut-être l'auteur qui prit le plus rapidemment conscience du danger causé par la montée du parti national-socialiste en Europe. Son père, marchand de tissus et sa mère, fille du banquier, lui ont transmis les valeurs de la communauté viennoise, une sensibilité exarcerbée et un certain instinct de survie. En Juif assimilé, il se plait à la fréquentation des cafés intellectuels, des concerts, des théâtres de Vienne. Il renonce à la banque et aux tissus, rencontre Sigmund Freud à qui il confit ses premiers ouvrages. Il étudie à l'université de Vienne. Traduit les auteurs français en allemand.  Sa curiosité et son intelligence l'ont prédestiné dès les années 20 à développer une certaine clairvoyance et une conscience du risque encouru par la population juive de Vienne. Dès la première guerre mondiale, il produit une œuvre théâtrale qui interroge les étapes des conflits, Jérémie, est composée en tableaux adaptés du Livre Biblique. Le prophète Hebreu
y devient le visionnaire d'un monde contemporain. En 1928, il publie un second appel au secours. C'est la magnifique nouvelle intitulée Rachel contre Dieu traduite en français pour la première fois en 1937. Il introduit cette nouvelle par un cri : " Les hommes saints perdent courage et leurs âmes, telle l’herbe piétinée, tremblent impuissantes devant Dieu. Ils ne disent plus un mot, de crainte d’affronter son courroux. Toutes les voix de la terre se sont tues de frayeur quand apparut Rachel, sortie seule des taillis de l’angoisse. Les larmes coulaient de ses yeux, car elle pensait aux enfants de ses enfants. S’armant de toute sa force, elle s’avançait vers l’Invisible, prosternée, elle adressa ces paroles à l’Eternel…"  La prière de Rachel adressée à Dieu est l'alarme de Stephan Zweig. "Rachel : Mon cœur tremble de te parler, Dieu Tout-Puissant, mais pourquoi m'as-tu donc donné un cœur s'il doit trembler devant ta fureur, pourquoi des lèvres, si elles ne doivent exprimer que terreur dans la prière… J'ai peur de Toi…Pourtant je t'adresse un appel au nom de Ton amour. La détresse de mes enfants me pousse à faire entendre ma pauvre voix, dans ton Infini. Tu ne m’as donné ni la finesse, ni la ruse, et je ne trouve rien d’autre pour apaiser ta colère que de te parler de moi, qui ai su un jour, triompher de la mienne. " En 1934, il commence une autobiographie comme la  fin d'un monde et l'anéantissement d'une certaine Europe. Cette autobiographie ne sera achevée qu'en 1942 sous le titre : Monde d'hier, souvenir d'un Européen.  Cette même année de 1934, suite à une perquisition, il quitte l'Autriche sans ses proches qui jugent ses craintes contre la montée du nazisme : "ridicules et non fondées." En 1937, Zweig publie alors  Le Chandelier Enterré, rappelant intuitivement comme a pu être sauvé  le chandelier du Temple suite à la destruction du Jérusalem par l'armée romaine. Quand l'Autriche est annexée, Zweig perd sa nationalité autrichienne et devient réfugié politique à Londres. En 1940, de plus en plus désespéré il fuit l'Europe. Installé à New York, il vit difficilement les hostilités engagées contre lui - son parlé allemand et son ancienne nationalité autrichienne sont jugés avec peu de bienveillance. Désabusé et désespéré, il s'éteint avec sa femme, au Brésil en 1942. Il n'a jamais appris la victoire des alliés. Mais le Chandelier a été sauvé...

Stephan Zweig Romans et Nouvelles Editions Livres de Poche 2001
 article publié pour Médiastars-F.M. Janvier 2013