lundi 10 septembre 2012

REINES BIBLIQUES CHEZ JEAN RACINE PAR SHOSHANA SASKIA COHEN TANUGI POUR HUJI

THESE DOCTORAT 2011 2O12
PAROLES PERFORMATIVES DES REINES ORIENTALES CHEZ JEAN RACINE
PHD Shoshana Saskia Cohen Tanugi
POUR HUJI HEBREW UNIVERSITY
ETUDE ENTREPRISE EN 2011- 2012

CHAPITRE  ESTHER

SOURCES D'ESTHER
BIBLE, SOURCES DE L'ANCIEN ORIENT SOURCES GRECQUES


CHAPITRE Ier
Qu'est-ce qu’Esther ?

1. – Introduction

Nous nous proposons d'étudier dans ce chapitre sur Esther les personnages de la tragédie. Leurs intégrations et leurs connexions avec l'histoire, leurs mentions dans les hymnes sacrés et la loi de l'Ancien Orient. Nous irons du personnage le plus simple aux plus complexes.  Puis nous vérifierons pour chacun les transformations apportées par Racine au XVII e siècle.

2. – Définition

Esther est une tragédie tirée de l'Ecriture Sainte[1]. Elle est donc dans son essence une contradiction.  Elle met en présence deux forces opposées : la Tragédie et la Bible.  La tragédie selon la Poétique d'Aristote[2] est une œuvre "d'imitation qui met en présence le rythme, le chant et le mètre." L'Ecriture Sainte est selon le judaïsme la retranscription des paroles proférées par Dieu. Et des actes inspirés par lui à son peuple.
Selon la chrétienté elle est la retranscription des paroles de Dieu inspirées à ses Saints.
Une tragédie tirée de l'Ecriture Sainte est donc une action dramatique dont les héros sont tirés de l'histoire juive dépeinte par la Bible. Et dont la poétique s'inspire de la poétique biblique. Or le Livre d'Esther est imprégné d'éléments littéraires issus de la culture non hébraïque de l'Ancien Orient. Le nom des héros - Mardochée et Esther - est emprunté aux noms de déités babyloniennes. Le nom du roi Assuérus est tiré des listes des rois et des chroniques achéménides.  La tragédie d'Esther est donc une imitation poétique et théâtrale d'un des livres des Ecritures Saintes se référant à une partie de l'histoire du peuple Hébreu confronté à la culture et à la loi sous pouvoir achéménide - tout en faisant intervenir des personnages proférant des paroles inspirées par Dieu. Le Livre d'Esther met en scène un conflit entre l'histoire achéménide de l'Ancien Orient du premier millénaire et la "parole proférée sous inspiration divine". Ce conflit est déjà manifeste dans la dénomination des personnages dont les noms transmis par la Bible en une langue sémitique du groupe Ouest, sont ceux des déités apparaissant dans les hymnes composés en langues sémitiques du groupe Est. Si selon Benguigui les Ecritures peuvent avoir trois niveaux de lecture, le Pshat - la simple interprétation du texte suivit à la lettre - le Drash, lecture impliquant un second degré d'interprétation basé sur une analyse des commentaires. Le Rémez, la découverte des allusions et métaphores suggérées par les différentes organisations poétiques ou les sous-textes agissant. Le Sod, le secret profond, caché et non explicite. (Benguigui 1995 : 36) Une œuvre tirée des écritures, représentation du théâtre sacré, peut donc avoir les mêmes niveaux de lecture. Les personnages de la tragédie d'Esther - imitation de la Bible - peuvent alors être analysés suivant ces trois niveaux.  Pour cela, il est nécessaire de reprendre les hymnes et inscriptions évoquant les noms des déités portés par les personnages dans le Livre d'Esther et dans l'œuvre racinienne.

3. – Usage de la parole sacrée au théâtre

Le conflit entre deux supports de la parole, théâtre et Bible, est atténué par Jean Racine qui répond à une commande de Madame de Maintenon en ne destinant pas son œuvre tirée de l'Ecriture Sainte au plateau et aux acteurs mais aux jeunes pensionnaires de Saint Cyr. Seules de jeunes filles issues de familles militaires ou nobles ont été autorisées à réciter le texte tiré des Ecritures devant un public privilégié. Seuls le Roi, sa famille et certains membres de la cours ont eu le privilège d'assister à la création de la pièce le 26 Janvier 1689. C'est donc par le sentiment d'assister par privilège à une représentation intime et non publique, que le spectateur pourra retrouver ce qui a été créé par Jean Racine en 1689.  Et c'est pas la simplicité que le texte doit être abordé par ceux qui l'interpréteront, s'ils veulent transmettre cette sobriété de la parole sacrée véhiculée par l'œuvre de Racine. L'usage de la Bible pour la tragédie d'Esther a impliqué l'usage d'une poétique issue de la source hébraïque de l'Ancien Testament. Cette source a été transmise par la traduction française signée par Lemaître de Sacy en 1667.  Une seconde source biblique a été transmise par la traduction en français issue du grec, la Septante;  et enfin une troisième source non biblique, celle de Flavius Joseph (Antiquités Juives XI) se réapproprie à la fois l'Ancien Testament dans sa version originale et la Septante dans sa version grecque. Ces trois sources ont été inégalement consultées par Jean Racine. Sa poétique s'est concentrée plus directement sur la version originale hébraïque transmise dans une traduction française.
La particularité Biblique du Livre d'Esther qu'utilise Jean Racine pour composer sa tragédie se situe dans l'intervention d'une action qui prend modèle l'histoire du peuple Juif dans sa relation avec le pouvoir achéménide dominant l'Ancien Orient pendant la période de la seconde moitié du premier millénaire avant notre ère. C'est-à-dire que ce Livre, comme le Livre de Daniel, celui d'Ezra, le livre de Néhémie, fait intervenir dans la poétique Biblique qui le compose, des éléments qui sont étrangers à la Pensée Juive et à la poétique Hébraïque traditionnelle mais qui s'y confrontent. Pour examiner cette confrontation qui existe à la source, il est important d'analyser les textes, hymnes et codes de lois qui ont pu influer les rédacteurs du Livre d'Esther et dont on peut trouver trace dans l'original hébraïque et dans la tragédie sacrée.


 THESE DOCTORAT 2011 2O12
PAROLES PERFORMATIVES DES REINES ORIENTALES CHEZ JEAN RACINE
PHD Shoshana Saskia Cohen Tanugi

CHAPITRE  ESTHER

SOURCES D'ESTHER
BIBLE, SOURCES DE L'ANCIEN ORIENT SOURCES GRECQUES


CHAPITRE Ier
Qu'est-ce qu’Esther ?

1. – Introduction

Nous nous proposons d'étudier dans ce chapitre sur Esther les personnages de la tragédie. Leurs intégrations et leurs connexions avec l'histoire, leurs mentions dans les hymnes sacrés et la loi de l'Ancien Orient. Nous irons du personnage le plus simple aux plus complexes.  Puis nous vérifierons pour chacun les transformations apportées par Racine au XVII e siècle.

2. – Définition

Esther est une tragédie tirée de l'Ecriture Sainte[1]. Elle est donc dans son essence une contradiction.  Elle met en présence deux forces opposées : la Tragédie et la Bible.  La tragédie selon la Poétique d'Aristote[2] est une œuvre "d'imitation qui met en présence le rythme, le chant et le mètre." L'Ecriture Sainte est selon le judaïsme la retranscription des paroles proférées par Dieu. Et des actes inspirés par lui à son peuple.
Selon la chrétienté elle est la retranscription des paroles de Dieu inspirées à ses Saints.
Une tragédie tirée de l'Ecriture Sainte est donc une action dramatique dont les héros sont tirés de l'histoire juive dépeinte par la Bible. Et dont la poétique s'inspire de la poétique biblique. Or le Livre d'Esther est imprégné d'éléments littéraires issus de la culture non hébraïque de l'Ancien Orient. Le nom des héros - Mardochée et Esther - est emprunté aux noms de déités babyloniennes. Le nom du roi Assuérus est tiré des listes des rois et des chroniques achéménides.  La tragédie d'Esther est donc une imitation poétique et théâtrale d'un des livres des Ecritures Saintes se référant à une partie de l'histoire du peuple Hébreu confronté à la culture et à la loi sous pouvoir achéménide - tout en faisant intervenir des personnages proférant des paroles inspirées par Dieu. Le Livre d'Esther met en scène un conflit entre l'histoire achéménide de l'Ancien Orient du premier millénaire et la "parole proférée sous inspiration divine". Ce conflit est déjà manifeste dans la dénomination des personnages dont les noms transmis par la Bible en une langue sémitique du groupe Ouest, sont ceux des déités apparaissant dans les hymnes composés en langues sémitiques du groupe Est. Si selon Benguigui les Ecritures peuvent avoir trois niveaux de lecture, le Pshat - la simple interprétation du texte suivit à la lettre - le Drash, lecture impliquant un second degré d'interprétation basé sur une analyse des commentaires. Le Rémez, la découverte des allusions et métaphores suggérées par les différentes organisations poétiques ou les sous-textes agissant. Le Sod, le secret profond, caché et non explicite. (Benguigui 1995 : 36) Une œuvre tirée des écritures, représentation du théâtre sacré, peut donc avoir les mêmes niveaux de lecture. Les personnages de la tragédie d'Esther - imitation de la Bible - peuvent alors être analysés suivant ces trois niveaux.  Pour cela, il est nécessaire de reprendre les hymnes et inscriptions évoquant les noms des déités portés par les personnages dans le Livre d'Esther et dans l'œuvre racinienne.

3. – Usage de la parole sacrée au théâtre

Le conflit entre deux supports de la parole, théâtre et Bible, est atténué par Jean Racine qui répond à une commande de Madame de Maintenon en ne destinant pas son œuvre tirée de l'Ecriture Sainte au plateau et aux acteurs mais aux jeunes pensionnaires de Saint Cyr. Seules de jeunes filles issues de familles militaires ou nobles ont été autorisées à réciter le texte tiré des Ecritures devant un public privilégié. Seuls le Roi, sa famille et certains membres de la cours ont eu le privilège d'assister à la création de la pièce le 26 Janvier 1689. C'est donc par le sentiment d'assister par privilège à une représentation intime et non publique, que le spectateur pourra retrouver ce qui a été créé par Jean Racine en 1689.  Et c'est pas la simplicité que le texte doit être abordé par ceux qui l'interpréteront, s'ils veulent transmettre cette sobriété de la parole sacrée véhiculée par l'œuvre de Racine. L'usage de la Bible pour la tragédie d'Esther a impliqué l'usage d'une poétique issue de la source hébraïque de l'Ancien Testament. Cette source a été transmise par la traduction française signée par Lemaître de Sacy en 1667.  Une seconde source biblique a été transmise par la traduction en français issue du grec, la Septante;  et enfin une troisième source non biblique, celle de Flavius Joseph (Antiquités Juives XI) se réapproprie à la fois l'Ancien Testament dans sa version originale et la Septante dans sa version grecque. Ces trois sources ont été inégalement consultées par Jean Racine. Sa poétique s'est concentrée plus directement sur la version originale hébraïque transmise dans une traduction française.
La particularité Biblique du Livre d'Esther qu'utilise Jean Racine pour composer sa tragédie se situe dans l'intervention d'une action qui prend modèle l'histoire du peuple Juif dans sa relation avec le pouvoir achéménide dominant l'Ancien Orient pendant la période de la seconde moitié du premier millénaire avant notre ère. C'est-à-dire que ce Livre, comme le Livre de Daniel, celui d'Ezra, le livre de Néhémie, fait intervenir dans la poétique Biblique qui le compose, des éléments qui sont étrangers à la Pensée Juive et à la poétique Hébraïque traditionnelle mais qui s'y confrontent. Pour examiner cette confrontation qui existe à la source, il est important d'analyser les textes, hymnes et codes de lois qui ont pu influer les rédacteurs du Livre d'Esther et dont on peut trouver trace dans l'original hébraïque et dans la tragédie sacrée.












[1] Racine Esther Ed. in-4 1689 sous titre donné par l'auteur à la tragédie d'Esther
[2] Aristote Poétique chap. I, 1-10










[1] Racine Esther Ed. in-4 1689 sous titre donné par l'auteur à la tragédie d'Esther
[2] Aristote Poétique chap. I, 1-10

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